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Le contrôle au faciès est humiliant, mais n’est pas discriminatoire par nature 9 mars 2017

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Quand une maladie contagieuse se déclarait sur un bateau, on le mettait en quarantaine. Aucun passager n’avait le droit de débarquer jusqu’à la visite des services sanitaires. En cas de maladie très contagieuse (peste), cette visite ne pouvait même pas avoir lieu : le bateau était mis à l’isolement total.

L’immense majorité des passagers ne présentait absolument aucun signe de maladie, la plupart des passagers ne développeraient jamais la maladie. On leur empêchait donc en quelque sorte injustement le libre accès au port. Peut-on considérer que les passagers du bateau étaient discriminés ? Evidemment, non et aucun passager n’aurait alors osé utiliser le terme de discrimination car la mise en quarantaine, c’est la participation citoyenne de chaque passager à la sécurité sanitaire générale. Le passager qui ne s’y soumet pas est moralement complice de la maladie. Cette évidence apparaît au passager même.

On connaît l’histoire de l’ivrogne qui cherche ses clés sous le lampadaire. Un passant s’approche et lui demande s’il les a perdues a proximité. Non, répond-il ? – Alors, pourquoi les cherchez-vous ici ? Parce que sous le lampadaire, c’est mieux éclairé !

Pourquoi le policier contrôle-t-il au faciès ?

Précisément parce qu’il ne veut pas faire comme l’ivrogne. Il veut chercher ses délinquants là où il a une chance de les trouver. Il a une obligation de résultat. Si la police, pour rechercher un terroriste islamique, mobilisait l’essentiel de ses moyens pour contrôler la communauté catholique intégriste de Marly, nous dirions pour le moins qu’elle manque de flair. (Que cet exemple est mal choisi ! Mais tant pis…).

Et si la police, parfois, contrôle parfois cette communauté, ce ne sera pas forcément dans l’espoir de trouver le terroriste islamiste mais simplement pour éviter que, remarquant que des parties du territoire restent de fait non surveillées, un terroriste ait l’idée géniale d’utiliser cette faille. C’est alors un contrôle préventif, un leurre.

Le flair du douanier est de même nature. Le douanier va contrôler évidemment plus souvent la grosse BMW que la Clio – sauf si la Clio est vraiment trop pourrie, auquel cas il pourra penser à un déguisement. Ce faisant, il ne discrimine pas le conducteur de la BMW, mais, rémunéré au succès, il va chercher la fraude là où elle se trouve.

Si, comme le prétend Hamon ce soir, un jeune basané des quartiers a sept fois plus de chances d’être contrôlé qu’un blanc, il n’y a pas forcément discrimination. La discrimination n’existe que si la probabilité que blanc et basané ont d’être des délinquants est équivalente, auquel cas oui, il y a différence de traitement sans raison. Mais si un jeune basané des quartiers a sept fois plus de chances d’être un délinquant qu’un blanc ? Les mêmes chercheurs qui produisent les statistiques ethniques sur les contrôles au faciès crient au loup dès lors qu’on cherche à les établir dans les prisons. Le refus d’établir des statistiques ethniques est déjà en lui-même une censure que j’ai du mal à comprendre, alors qu’en est-il lorsqu’il n’est plus qu’une censure sélective ?

Le contrôle au faciès n’est donc pas discriminant par nature. Il permet simplement au policier de restreindre l’étendue des recherches là où elles ont des chances d’être les plus fructueuses et l’interdire, c’est enlever toute efficacité à la police, l’empêcher d’exercer son flair. Il est clair évidemment, au-delà des statistiques, qu’il peut devenir discriminatoire si l’attitude du policier l’est, par exemple s’il fait de la personne contrôlée une sorte de coupable a priori, transformant alors un simple contrôle en injure raciale.

Même s’il n’est pas discriminatoire, le contrôle au faciès sera toujours vécu comme humiliant parce que la personne contrôlée fait en fait exactement la même association qu’elle prête au policier (et que des policiers font probablement parfois). L’indignation de la personne innocente contrôlée au faciès est aussi une forme de racisme envers soi-même.

Contrairement au passager du bateau qui ne se sent pas insulté lorsqu’on le met en quarantaine, qui accepte sans problème sa mise à l’index au nom de l’intérêt général, contrairement au passager de la BMW pour qui le contrôle du douanier ressemble presque à un honneur, la personne objet du contrôle se sent moralement insultée lorsqu’on lui rappelle sa ressemblance physique avec le délinquant recherché parce qu’elle y met, aussi, une connotation morale. Cette association est irrationnelle, sans fondement, absurde, mais aucun être humain ne peut s’empêcher de la faire. Nous sommes des animaux qui associons à tort et à travers.

Et donc, les contrôles au faciès ne sont pas discriminatoires, mais ils sont toujours humiliants.

Il faut faire très attention en la matière. Ils ne doivent pas être abandonnés – ils sont évidemment extrêmement efficaces et il n’y a aucun doute pour moi que parmi ceux qui s’indignent contre eux, il y a aussi les délinquants ! – mais ils devraient être menés avec un maximum d’attention, pour éviter autant que faire se peut toute dérive humiliante. Il serait peu coûteux, aujourd’hui, de systématiquement filmer ces contrôles pour les contrôler.

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