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Let the sleeping death seep through 6 octobre 2009

Par Thierry Klein dans : Humeur.
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Dip the apple in the brewAlan Turing est surtout connu du grand public parce que c’est lui qui a permis de casser le cryptage de la machine Enigma, durant la seconde guerre mondiale. Au début de la guerre, Churchill monte, à Blechtley Park, une équipe « top secret » de mathématiciens, de linguistes, de traducteurs pour tenter de décrypter les messages envoyés à la flotte allemande.

Cette équipe utilisera les travaux de Turing (qui est l’inventeur du concept de programme informatique) et finira par casser les codes d’Enigma grâce à un des tous premiers ordinateurs, mis au point pour l’occasion (quelques centaines de mètres carrés au sol et bien moins puissant que la plus petite de nos calculettes !).

L’histoire de ce premier « piratage » est assez extraordinaire. Churchill en parle un peu dans ses mémoires mais je vous conseille d’aller lire au moins « L’histoire des codes secrets » ou, pour ceux qui ont un peu plus de temps devant eux, The Enigma.

Malgré l’énormité des moyens déployés, malgré tous les trésors d’astuce et de science dont a fait preuve l’équipe de Blechtley Park, malgré les espions qui fournissaient en permanence des informations nouvelles sur Enigma, le décryptage n’aurait pu avoir lieu sans ces les 2 constations suivantes :

  1. Quand les allemands « changeaient » les codes de la machine (opération quasi-quotidienne), ils ne réutilisaient jamais le code de la veille
  2. Les allemands évitaient les codes qui leur apparaissaient trop faciles à décrypter (l’équivalent d’un code 7777 pour une carte bleue). Conséquence, la génération des codes n’était pas aléatoire et l’espace de recherche pouvait être considérablement réduit.

Ce dernier point fut décisif. C’est en voulant compliquer la tâche du « décodeur » que les allemands ont fourni les clés.

Quand j’étais à Stanford, les théories de Turing et de Shannon étaient un point de passage obligé pour tout étudiant en informatique (de nos jours, on étudie beaucoup plus Shannon). Mais ce qui me fait penser à Turing aujourd’hui, c’est qu’il synthétise deux affaires très actuelles.

D’abord, il est une des premières victimes connues de la castration chimique, dont, paraît-il, François Fillon veut briser le tabou….

Accusé d’homosexualité en 1952, il doit se soumettre à une castration chimique destinée à « réorienter sa sexualité ». Il se suicide en 1954 en croquant dans une pomme empoisonnée au cyanure – la pomme de Blanche-Neige, qui a été reprise dans le logo Apple, en hommage, justement à Turing.

Ensuite, comme Polanski (encore plus que Polanski !), Turing s’est littéralement jeté dans la gueule du loup. C’est lui qui, victime d’un vol, se rend au commissariat et à cette occasion, avoue son homosexualité.

Comme Polanski, il plaide coupable alors qu’il déclarera plus tard « ne se sentir coupable de rien ».

Comme Polanski, la « faute » dont il est accusé est éminemment fonction de la société dans laquelle il vit (dans le cas de Polanski, la seule charge qui reste à ce jour consiste en une relation sexuelle avec une jeune femme de 14 ans, relation admise aujourd’hui dans d’autres pays et à d’autres moments de notre propre histoire).

Ce que nous enseigne l’histoire, c’est qu’en septembre 2009, le gouvernement britannique a présenté des regrets pour le traitement infligé à Alan Turing.

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Commentaires»

1. EnPassant - 7 octobre 2009

La grosse différence avec Polanski, c’est que la petite jeune n’était pas consentante, jusqu’à preuve du contraire. Elle a peut-être pardonné depuis, elle a retiré sa plainte, d’accord, mais tout de même, un mec de plus de 40 ans vis à vis d’une môme de 13/14 ans, il faut qu’elle au grand minimum en ait vraiment envie or là cela été qualifié de viol. Je peux comprendre une histoire d’amour réelle avec une grande différence d’âge mais je pardonne nettement moins un viol dans ces conditions. De toutes façons, Polanski a tout les avocats qu’il faut pour défendre son point de vue.

2. Thierry Klein - 7 octobre 2009

La seule charge retenue contre Polanski, sur ce que j’ai lu, c’est la relation sexuelle avec une mineure. Toutes les autres charges (viol, …) ont été abandonnées par l’accusation à l’époque.

3. Gaetan - 7 octobre 2009

Toutes les fautes répréhensibles par la loi le sont en fonction de l’état d’une société. C’est valable pour les relaxions sexuels sur un enfant comme sur le meurtre, les détournement, ou les vols. Donc l’argumentaire ne tiens pas car aucune loi n’est figée (sauf la loi divine, qui elle n’a pas le droit d’être bonne ou mauvaise).

Comparer un rapport sexuel sur une personne mineur, sous influence, confié par ses parents à un artiste d’une quarantaine d’année qui l’a saoulé et drogué pour avoir ensuite des rapports sexuels avec elle, avec un jugement qu’une société fait à une époque vis à vis de l’homosexualité est plus que discutable.

On a beau être un artiste ou un savant on ne peut etre au dessus des lois d’une société. C’est ici la grande question ici, plutot que sur le fait qu’il ai eu ses relations avec une enfant/jeune fille concentante ou pas.

Si hier l’homosexualité était condamné et qu’aujourd’hui elle ne l’ai plus ne veut absolument pas dire que le fait qu’aujourd’hui le détournement de mineur l’est et donc que demain il ne le sera plus.

Polanski doit répondre de ses actes si c’est un homme car d’autres, eux, le font : cf un article sur le monde où un ancien condamné pour les mêmes faits (rapports sexuel avec une jeune fille qu’il avait « facilité » avec des substances illicites), qui lui était passé par la case prison, était en rage contre cette société, qui l’a condamné lui (et il reconnait qu’on a eu raison de l’envoyer en prison) et qui ne le fait pas pour un autre sous prétexte que c’est un « artiste ». C’est dégoutant.

4. Thierry Klein - 7 octobre 2009

Mouaiiss…

Je vous rappelle que « droguée et violée pour… », c’est vous qui le dîtes. L’accusation ‘a pas retenu ces charges. Juste le fait qu’elle était très jeune. Très jeune, mais pas une enfant, au sens sexuel du terme, comme vous semblez le suggérer.

« Condamner quelqu’un parce que d’autres le font »: c’est l’essence même du raisonnement injuste et envieux. On condamne quelqu’un pour ce qu’il a éventuellement fait. Point.

Notez aussi que je ne « défends » pas Polanski au sens juridique. S’il est juridiquement coupable, vue la situation actuelle, il sera de toutes façons condamné. Simplement, le parallèle avec Turing me semble approprié.

5. Simon - 8 octobre 2009

Si on suit ton raisonnement, on ne pourrait pas accuser quelqu’un d’esclavage vu que c’est « admis aujourd’hui dans d’autres pays et à d’autres moments de notre propre histoire ».

Tu compares deux faits deux sociétés complètement opposés : l’homosexualité et la pédophilie.
L’évolution de la justice sur ces deux points est inverse. Au plus on évolue et au plus on accepte l’homosexualité, et au plus on évolue, au plus on s’oppose à la pédophilie.

Réécrire ton texte sur Polanski dans 50ans, n’émouvra personne contrairement à celui sur Turing aujourd’hui. Car en 50ans on a accepté l’homosexualité et ce n’est plus un crime. Alors que la pédophilie n’a pas de chance d’être dépénalisée. Au contraire même.

Pour ce qui est de dire que 13 ans c’est très jeune mais pas au sens sexuel je trouve que t’y vas un peu fort….. Je crois que la moyenne du premier rapport est tout de même au delà de 17ans….

6. Thierry Klein - 8 octobre 2009

Salut Simon,

En fait ce que je veux dire, c’est que rien ne ressemble plus à une jolie fille de 18 ans que (certaines) jolies filles de 14 !.

7. EnPassant - 8 octobre 2009

Il me semble qu’il ne faut pas non plus confondre pédophilie, c’est à dire actes « sexuels » avec un enfant prépubère et avoir une relation sexuelle avec un mineur. Encore une fois, je crois que s’il y a consentement, c’est surtout une situation agaçante pour les parents et le majeur a intérêt à être réglo… Plus la différence d’âge est importante, avec l’un en dessous de 16 ans, plus je trouve ça gênant. Après 18 ans, que les gens fassent ce qu’ils veulent et tentent leurs expériences si ça les chante, à ces âges on doit pouvoir se prendre en charge.

Je comprends aussi qu’on peut être abusé, prendre une française de 16 ans pour une majeure me paraît possible, peut-être même une américaine de 14 pour une femme de 18, c’est possible, encore une fois si c’est une relation consentie ça me pose moins de problème, bien que je pense que ça ne peut pas durer, les rythmes de vie ne sont plus les mêmes quand on dépasse la trentaine, 20 ans d’écart je crois que c’est trop, sans vouloir légiférer, chacun sa vie.

Mais pour revenir à Polanski, je crois que son cas est plus grave : la jeunette a été droguée, ne voulait pas de cette relation et ça c’est détestable. Mais d’autres part la plainte a été retirée, Polanski a reconnu les faits et en trente ans il n’a pas fait d’autres conneries de ce type pour autant que je sache, ça compte aussi. Je pense qu’il avait perdu les pédales ce soir là.

C’est à la justice de mettre tout en balance et de clore cette affaire.

8. Thierry - 8 octobre 2009

Et un vieillard de 76 ans marié avec une jf de 30 ?
Ça ne vous choque pas ? Pourtant c’est légal et elle est consentante

9. Simon - 9 octobre 2009

Alors allons dans l’extrême : une fille de 7 ans et un mec de 25 ans. La fille peut aussi être « consentante »…

10. EnPassant - 9 octobre 2009

Pour répondre à Thierry, ça fait plus de 20 ans d’écart, je crois que c’est trop mais une jeune femme de 30 ans est largement majeure et vaccinée ! Ils font ce qu’il veulent et je ne sais trop qui abuse de qui. N’empêche que la femme perd quelque peu son temps, chacun sa vie. Si elle veut des enfants de cet homme, elle risque d’avoir des difficultés à en avoir et elle fera des orphelins, être père à 76 ans suppose assumer l’adolescence de ses enfants à 90 ans passé, du délire vraiment pas sympathique pour les gosses qui n’ont rien demandé.

Pour répondre à Simon, une fille de 7 ans avec un abruti grave de 25 ans, c’est de la pédophilie et consentement ou pas, c’est criminel. Je ne souhaite pas que le jugement de la société « évolue » sur ce sujet.

Thierry, si vous faites un parallèle avec Turing, est-ce que ça veut dire que vous désireriez re-criminaliser l’homosexualité ?

A part ça j’ai lu le livre que vous citez, « L’histoire des codes secrets », et j’ai beaucoup apprécié.

11. Isabelle - 10 octobre 2009

d’abord, je vous remercie tous en tant que femme, de prendre intérêt à discuter du caractère criminel d’une relation sexuelle entre une mineure et un homme très mûr. Cela témoigne déjà d’une capacité d’auto-critique et non de camouflage d’une absence de maturité sexuelle mal assumée.
Si la civilisation a évolué vers la criminalisation de la sexualité entre mineurs et majeurs séparés par une grande différence d’age (rapport incestueux de génération), c’est parceque, dans le cas des enfants de sexe féminin, elles ont besoin de dépasser leur période oedipienne, qui les projette dans une attitude de séduction presque systématique vers un mâle adulte, leur père ou un substitut.
La séduction , voire la provocation , ne signifie pas que l’enfant souhaite concrétiser. Et pour se construire, elle a au contraire besoin de dépasser ce jeu élastique, de le traverser indemne en restant sur le terrain symbolique.
En d’autres termes, les hormones sont éveillées, mais la tête n’est pas prête. Notre civilisation est aujourd’hui désireuse d’avoir des femmes entières, capables de décider pour elles-mêmes. Autrefois et encore dans certaines sociétés, on préférait que les filles restent inféodées aux hommes. L’oedipe non préservé et non dépassé rend une femme fragile et infantile toute sa vie.
Certains hommes mûrs, souvent plus intelligents que la moyenne, utilisent cette caractéristique hormonale des enfant-filles pour justifier d’une immaturité sexuelle vis à vis de la femme : une relation  » égalitaire » avec une femme souveraine d’elle-même ne les attire pas .Cela est souvent lié à une phobie de la femme mature qui est confondue à tort avec une mère toute-puissante, laquelle était elle-même probablement une femme n’ayant pas pu dépasser son oedipe et sublimant, plus rarement, rejetant son père. Le paradoxe est que ces mères sont à la fois castratrices et machistes.

L’homme en age d’etre père qui a une relation avec une enfant qui pourrait être la sienne, rejoue ce rapport d’infantilisation et de toute puissance sur la femme, parcequ’il ne la supporte pas adulte souveraine. Ces hommes peuvent aussi trouver un dérivatif vers des relations sexuelles de pure domination, ou la femme ne sort pas de son rôle d’objet. Une vie paritaire, après ce type de ralation sexuelle ne les interesse pas.
Ces hommes ont un grave problème , car d’un côté ils ont besoin d’une partenaire stimulant leur intelligence, et de l’autre la femme objet qui ne sort pas de la soumission. Matheux, quel est le résultat de cette équation?

12. EnPassant - 13 octobre 2009

Isabelle, ton message est intéressant mais l’autocritique je m’en fiche un peu car je n’ai pas de solidarité systématique avec les mecs, contrairement à l’impression que donnent les femmes entre elles.
Etre mec, c’est – pour moi – connaître des salauds de l’intérieur car les sales cons croient souvent leurs idées partagées par tous les autres mecs, genre tu vois « toutes des putes » (sauf sa mère). Autrefois celles qui couchaient étaient soi-disant « putes » et les autres « frigides ». (Heureusement, la société française a évolué, enfin pas partout malheureusement.)
Je ne me sens pas automatiquement solidaire tu vois ?

Mais les femmes n’hésitent pas non plus à être mauvaises, asociales, égoïstes et j’en passe, d’autant qu’elles se victimisent très facilement. Il n’y a pas les méchants hommes d’un côté et les pauvres femmes victimes de l’autre côté. Ce n’est pas parce que les femmes cognent un peu moins souvent qu’elles ne font pas des malheureux.

Je comprends ton raisonnement très psychanalytique mais je ne suis pas certain qu’il s’applique à tous les couples à grande différence d’âge – en laissant de côté les cas illégaux de relation entre une mineure de 13 ans par exemple avec quelqu’un de 45 ans.

Ton dernier paragraphe est moins clair pour moi, il me semble être un cas particulier. Est-ce que tous les hommes cherchent un partenaire stimulant leur intelligence ? Est-ce que la soumission gène ce besoin hypothétique ?
On peut aussi rechercher de la tendresse, de la compréhension, du calme, de la sensualité, des points de vues différents sur la vie, choses que l’on trouve aussi quand il y a une différence d’âge.

Est-ce qu’un homme de 50 ans va vraiment dominer une jeune femme de 20 ans ? Je ne crois pas et je doute de la possibilité réelle de satisfaire une jeune femme pour un homme qui prend de l’âge, pas seulement sexuellement mais aussi pour les sorties, les voyages et dans le rythme de vie. Evidement ça se ressent moins quand on est riche mais un jeune de 20 ans après une semaine de 50 heures de travail pourra aisément faire 1000 kilomètres dans le week end pour faire une ballade tandis que un gars de 50 ans dans les mêmes conditions sera le plus souvent moins vaillant… Et puis on n’est pas éternels et il faut comprendre que 20 ans après, dans un couple stable, la dame a alors 40 ans, tout va bien, et le vieux beau en a 70, ça risque fort d’être moins amusant. Inversez les rôles et on arrive aux mêmes problèmes, avec en plus des difficultés supplémentaires pour avoir des enfants.