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La Confusion du Monde 23 avril 2009

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Le Monde du 22 avril se félicite qu’un « consensus inattendu » ait été atteint à la conférence de l’ONU sur le racisme (Durban II) et en particulier que le paragraphe 12 déplore les cas « d’islamophobie, d’antisémitisme, de christianophobie et d’antiarabisme se manifestant à l’égard de personnes par des stéréotypes désobligeants et une stigmatisation fondés sur leur religion ou conviction« .

Mais il est dangereux de mettre ces termes sur le même plan – et pour tout dire, le fait même que le Monde les amalgame sonne à mes oreilles comme une victoire des intégristes. Pourquoi ?

L’islamophobie (comme l’anti-cléricalisme) est une forme d’athéisme tout à fait permise en démocratie. De même, il est tout à fait permis d’être anti-athée.

Car Islam, catholicisme, athéisme (ne) sont (que) des croyances et donc, interdire les convictions qui s’opposent à ces croyances, c’est tout simplement restreindre la liberté de penser et la liberté d’expression – et c’est bien ce que cherchent à faire les intégristes religieux.

En revanche, être anti-sémite ou anti-arabe, c’est attaquer quelqu’un sur un critère de race, uniquement parce qu’il est né à un endroit donné, de parents donnés. Et donc les manifestations de ces deux sentiments (je n’ose parler d’opinions) sont interdits par la loi doivent être sévèrement combattus – ils ont déjà fait des millions de morts.

Les termes « islamophobie » et « christianophobie » augmentent la confusion. Car si a tout à fait le droit d’être opposé, en tant qu’athée, aux croyances religieuses (islam, christianisme), personne ne peut persécuter qui que ce soit au prétexte qu’il est musulman ou chrétien : l’anti-cléricalisme est permis (car c’est une croyance comme un autre) mais la persécution des prêtres ne l’est évidemment pas.

Qu’entendent donc les auteurs des résolutions de l’ONU derrière les termes islamophobe et christianophobe ? L’attaque (permise, respectable) contre les croyances ou la discrimination (interdite, honteuse) envers des gens simplement au prétexte qu’ils croient ?

Les caricatures de Mahomet. Elles sont évidemment islamophobes au sens où elles attaquent la croyance islamique, mais c’est l’honneur des démocraties d’autoriser ces attaques; comme c’est leur honneur d’interdire les manifestations d’anti-sémitisme ou d’anti-arabisme.

Pourquoi ce communiqué est-il une victoire des intégristes ? Parce qu’amalgamant des choses acceptables et des choses inacceptables dans l’esprit du public, il attaque en fait la liberté de penser sous le couvert lyrique de l’anti-racisme.

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Commentaires»

1. Thibaut - 26 septembre 2009

Je ne suis pas au courant du sens de ces mots.

Donc pour vous :

islamophobie = « attaque la religion et non les gens qui la pratiquent. »

Comment écrit ton dans ce cas « attaque les gens qui pratiquent cette religion » ?

Ce que, je pense, le journaliste du Monde voulait dire et qu’il a visiblement mal exprimé selon vous. Dans un abus de langage que peu de monde aura relevé je pense mais qui a son importance si il en est bien un.

2. Thibaut - 26 septembre 2009

M.A.J., je suis allé me renseigner sur Wikipédia le mystère reste entier. Voir l’article :

« L’islamophobie est un néologisme d’usage controversé en français et dans d’autres langues »
http://fr.wikipedia.org/wiki/Islamophobie

Quand aux dictionnaires j’ai cherché dans trois d’entre eux (dont celui de l’académie française) qui ne connaissent visiblement pas le terme.

3. Thierry Klein - 27 septembre 2009

« attaque des gens sous prétexte qu’ils pratiquent une religion »: pour moi, ça s’appelle de la discrimination, ou de la persécution, selon la forme que prend l’attaque et son intensité.

Je crois que le journaliste s’est mal exprimé, mais je crois aussi que son erreur est significative et doit être combattue.

Le jeu des intégristes de tout poil est de mettre en évidence toute pression de nature arbitraire sur le Religieux, fût-elle infime et nécessaire. L’objectif réel est de permettre au Religieux de peser de nature arbitraire sur toute la société.

Tariq Ramadan, hier chez Ruquier, fait tout un plat de la nature arbitraire de l’interdiction du voile à l’école. Il n’a pas philosophiquement tort: une femme peut décider librement de porter le voile et l’en empêcher est un acte arbitraire. Mais personne, même pas ses contradicteurs, même pas Zemmour, n’évoque le fait que cette interdiction est nécessaire pour éviter que, dès demain, certaines soient contraintes de mettre un voile – ce danger est actuel, fréquent, permanent. Des millions de femmes subissent cette pression, dans le monde entier.

On fait passer la mesure de protection pour coercitive, on déclare qu’elle attaque la Religion alors que c’est la Religion qui attaque la liberté de penser. Si on interdit les signes distinctifs, ce n’est pas plaisir, pas par intolérance, mais pour empêcher que ceux qui ne les adopteraient pas ne soient mis en danger par les intégristes.