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Qu’est-ce qu’une formation ? Objets ouverts et objets fermés. 28 novembre 2007

Par Thierry Klein dans : Formation à distance.
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Informer n’est pas former

J’aimerais revenir sur une question centrale qui m’a été posée en commentaires par ocarbone (Olivier).

J’ai beaucoup parlé d’information et je pense que tout le monde est maintenant plus ou moins d’accord sur les rapports entre histoire de l’information et nomadisme.

Mais ce qui nous préoccupe au final, c’est l’enseignement, la formation, pas l’information.

Comme le fait remarquer Olivier:

« Rien n’assure le « consommateur » qu’il comprend l’information à laquelle il accède. L’information transmise par un support inanimé est-elle automatiquement transformée en savoir ? Posséder un livre de cours suffit-il pour se passer des professeurs ? »

Quels sont donc les liens entre information et savoir ?



Pour moi, former quelqu’un (ou un groupe) revient à lui donner de l’information et à vérifier qu’elle a été bien comprise.

Cette vérification, c’est une sorte de « retour », de l’élève vers le professeur. Une sorte d’asservissement, un re-bouclage au sens où on l’entend en automatique.

Ce lien peut être instantané ou différé, individuel ou collectif, réel ou virtuel, certains diraient qu’il peut être imaginaire ou symbolique, mais je me suis promis de rester à peu près compréhensible.

En tous cas, c’est ce lien qui distingue la formation de l’information.

Quelques exemples de liens :

– Un professeur de CM2 pose une question, des élèves lèvent le doigt, le professeur choisit un élève qui répond (lien individuel, légèrement différé).

– le même professeur pose une question aux élèves, mais leur demande de répondre sur leur ardoise (lien collectif, un peu plus différé)

– le professeur a l’impression qu’un élève est en difficulté et répète sa phrase (lien instantané, individuel, virtuel, imaginaire – il s’agit d’une simple impression du professeur, peut-être se trompe-t-il).

– Isaac Newton veut dépasser Descartes et Galilée, étudie longuement leurs oeuvres – ce qu’on peut assimiler à un dialogue différé dans le temps. Lien symbolique, individuel, différé et virtuel (le professeur est mort depuis longtemps, la formation résulte d’un dialogue avec un auteur imaginé par le lecteur – si j’osais, je dirai « projeté » par le lecteur, mais je vous ai promis il y 10 lignes que je resterai compréhensible).

Il y a donc, dans tout apprentissage, des interactions complexes entre professeur et élèves qui favorisent ou retardent cet apprentissage (valorisation du professeur par l’élève, volonté de dépasser le professeur, sentiment que le professeur est ou n’est pas bienveillant vis-à-vis de l’élève, etc…).

Tout ceci dépasse largement le cadre d’un billet – mais il se joue probablement là quelque chose d’assez comparable à la relation patient/psychanalyste, patient/médecin, croyant/confesseur, lecteur/auteur, etc…

La nature éminemment personnelle de cette relation fait qu’il est difficile d’en tirer une synthèse: les liens élève/professeur, ce sont des millions de cas particuliers.

Meilleur est le lien, meilleure est la formation.

Mais on peut quand même dégager une loi assez générale (une loi de Klein de plus !).

En gros, plus ce lien, ce « retour » est instantané, fréquent, individualisé, fluide, meilleur sera le processus de formation.

C’est bien pour ça que la plupart des élèves ont besoin de professeurs et pas seulement de livres.

Le professeur qui « lit » l’incompréhension sur le visage de l’élève et qui, à la volée, reformule son contenu, transmettra sans doute mieux son savoir que celui qui a besoin de faire répondre les élèves sur une ardoise, qui lui-même sera meilleur que le professeur qui ne pose jamais de question, etc…

Les points que je mentionnais en premier dans mon billet initial sur le nomadisme étaient le partage et l’interactivité.

Mais « interactivité » est un terme assez flou, complètement galvaudé.

De façon plus précise, ce que je voulais dire, c’est que la pédagogie doit permettre d’établir un maximum de liens – autre façon de dire les choses: la technologie doit servir à créer de nouveaux liens – ou à en préserver un maximum, dans le cas où certains doivent absolument être rompus, ce qui est le plus souvent le cas dans un processus de formation à distance.

Le cas Speechi

Quand j’ai démarré avec Speechi, j’ai cherché à développer ou à commercialiser des outils qui créent des liens nouveaux.

C’est le cas, me semble-t-il du tableau blanc interactif. Le tableau blanc interactif, c’est un moyen simple de faire des aller-retours, d’un type nouveau, entre le tableau, l’ordinateur, le professeur, l’élève.

Le professeur qui utilise un TBI créera probablement plus de liens que le professeur qui fonctionne avec un simple vidéoprojecteur. Il ira vers son écran, l’annotera, arrêtera une vidéo suite à une question, etc…

A contrario, il y a une raison pour laquelle nous n’avons pas vraiment développé de solution autour de l’IPOD, ou du téléphone mobile… (Pourtant, c’est très en vogue).

Pub IPODPour moi, l’IPOD est un outil fermé, narcissique, qu’on se met très fort autour des oreilles, pour s’isoler (voir une anayse de la pub Apple, qui justement met en valeur l’isolement de l’auditeur)…

Bref, l’IPOD ne crée pas de liens (1). Idem pour le téléphone portable, du moins tel que les jeunes l’utilisent actuellement.

Pour la même raison, je ne me suis toujours pas décidé à rajouter des boîtiers de vote électronique à notre offre.

Pourquoi perdre du temps en classe à faire voter les élèves, alors qu’une ardoise est plus rapide, plus simple, alors que le professeur crée une foule de liens imaginaires avec eux ?

Le boîtier retarde le lien (1) et le rend moins fluide. Et si les élèves sont à distance, alors le boîtier est inutile…

Dernier exemple: la télévision casse tout les liens puisqu’elle ne permet pas de retour. Sauf cas très particulier, c’est donc avant tout un outil d’information, je n’ose dire d’abêtissement ! Pas un outil de formation (1).

Formation = Information + Liens

L’in-formation, c’est donc, au sens littéral, ce qui se trouve dans la formation. Le reste, ce ne sont « que » des liens.

C’est pour cette raison qu’en grande partie les lois que j’ai décrites sur les rapports de l’histoire de l’in-formation et du nomadisme s’appliquent quand on parle de transmission du savoir.

(1) Vous trouverez toujours des exceptions… Je parle de « l’esprit » général des outils. J’ai vus de bons programmes de langues utilisant l’IPOD… J’ai même parfois appris des choses à la télévision !

[Via le blog de Speechi (mon blog professionnel). Je publie aussi cette série de billets dans mon blog perso parce que ces réflexions s’inscrivent dans un cadre plus général, pas purement professionnel. Les commentaires sont à laisser du côté de Speechi]

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