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La tragédie shakespearienne de Zinedine Zidane 14 juillet 2006

Par Thierry Klein dans : Sport.
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Confronté aux insultes de Materazzi, Zidane n’avait pas le choix et ne pouvait s’en sortir que par un acte répréhensible:

– soit il répondait aux insultes, ce qu’il a fait, et il allait ainsi contre les lois du jeu, contre les lois du politiquement correct, du paraître, etc…

– soit il n’y répondait pas, et il se rendait coupable de tolérance envers le racisme, de manque de sincérité. Bref ne pas répondre, c’était nier ce qui, probablement, est une de ses raisons de vivre.

Zidane se trouvait en fait dans ce qu’on appelle une situation de "double bind" typique. Le double-bind (en français double contrainte), est une situation clinique mise en évidence par l’anthropologue Gregory Bateson comme une des causes structurelles de la schizophrénie chez l’enfant. On peut le résumer comme une situation absurde, formées de 2 propositions contradictoires, dont ne peut pas sortir gagnant: "je dois le faire mais je ne peux pas le faire". Exactement ce qui se passait pour Zidane.

Zidane aurait pu, comme Hamlet, remettre la résolution du problème à plus tard. Hamlet est un héros à la limite de la schizophrénie et le thème principal de la pièce, c’est en effet la vengeance retardée à tous prix (d’un côté, Hamlet se doit de venger le meurtre de son père et de l’autre, il ne peut pas le faire, voir Girard, Les Feux de l’Envie, sur le sujet ou cet autre très bon article, en anglais).

A noter que Zidane a cependant un peu retardé son coup de boule,mais de quelques secondes seulement, ce qui fait que personne ne s’en est rendu compte. Mais cela ne peut pas être un hasard si aucun des 3 arbitres présents sur le terrain ne l’a vu agir. Zidane est un joueur de génie qui, à tout moment, saisit tout ce que font les acteurs sur le terrain, y compris les arbitres. Au moment où il se retourne pour frapper, il SAIT forcément que les arbitres ne le voient pas. Il frappe à la poitrine et pas à la tête, pour ne pas laisser de trace et peut être aussi pour ne pas blesser. Très probablement, la décision de vengeance est donc prise depuis quelques secondes.

Les procrastinations infinies d’Hamlet étant probablement incompatibles avec le football de haut niveau, je trouve au final qu’il est heureux pour tous, et sans doute aussi pour lui, que Zidane ait, de façon instinctive, choisi la première solution, qui est condamnable sur la forme, à la deuxième, qui est condamnable sur le fond, pour sortir de cette double contrainte.

Je trouve aussi faciles et injustifiées toutes les condamnations basées sur le fait que la violence physique serait  forcément plus grave que l’injure et constituerait ainsi une sorte d’escalade. C’est beaucoup plus compliqué que ça, surtout quand il y a racisme. En fait, c’est la douleur des coups qui s’envole et ce sont les paroles qui restent. Tout le monde sait ça depuis Freud – et Goebbels.

Si Materazzi a vraiment prononcé les paroles qui lui sont attribuées, je les trouve infiniment plus graves qu’un simple coup de boule dans la poitrine et en fait, si on réagissait de façon ferme chaque fois qu’on est témoin de racisme, ça résoudrait peut être bien des choses.

Combien de fois avez-vous entendu dire dans un dîner : "je ne suis pas raciste, mais…" et n’avez-vous pas réagi, au nom de la bienséance ou même de la soi-disant tolérance que vous estimez devoir afficher face à l’opinion d’autrui ? Et que dire de ces hommes politiques qui n’appartiennent certes pas au Front National mais "respectent leurs électeurs" ?

La lutte contre le racisme peut-elle remplir le coeur d’un homme ? Quoi qu’il en soit, il faut imaginer Zidane peut être pas heureux, mais à tout le moins apaisé.

 

 

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Commentaires»

1. dali - 16 juillet 2006

il faut etre arabo-musulman pour comprendre ce qu a fait Zidanne, il n y a ni freud , ni front national,c est dans le sang, c l honneur, c le musulman, c tout.

2. ludo - 16 juillet 2006

ya pas de philo sur cette affaire…zidane a vécu en live ce que vivent des milliers de jeunes musulmans français au quotidien. il est une idole, et il est hyper médiatisé…on va voir maintenant si malgré sa notoriété les choses vont bouger, ou être comme tout les jours que fait le Divin, mis aux oubliettes…

3. Canard - 17 juillet 2006

mouais, je suis pas tout à fait d’accord avec la peinture de la situation faite par Dali. D’abbord je ne vois pas ce que le fait d’être musulman a voir là dedans. On se doute que cela aurait été Thuram, il aurait eu droit à du "sale nègre" et Barthez aurait eu droit a du "on sait tous que t’es homo, gros chauve". Le fond du problème pour moi est "faut-il répondre à la violence par la violence". La réponse est non, quoiqu’en pense Lapin. Zidane aurait du aller voir l’arbibre et lui expliquer les choses. Et ne pas se faire justice lui-même. Faute de sanction de Materazzi, ce qui est probable, il aurait pu organiser une conférence de presse pour expliquer les insultes dont il a été victime. Cela aurait bien plus servi la cause antiraciste ou celle des musulmans en France (pour lesquels Zidane n’a au passage n’a JAMAIS levé le petit doigt!!!) Facile à dire, oui.
Mais des fois il savoir prendre sur soi : Thuram, toute l’année, il se fait traiter de singe en Italie, et il règle ses comptes hors du terrain, lui. Pas céder à la provoque, c’est cela être un homme, c’est cela respecter ses coéquipiers . Qu’on soit mulsulman, catho, ou laique.Au fait dites à Zizou que ce match, c’était pas son jubilé, mais une finale de la coupe du Monde. Dites lui aussi que les larmes de tutu m’ont plus marqué que ses explications fierotes.

4. Vincent M. - 19 juillet 2006

J’aime bien les explications de Canard. Je comprends le geste de Zidane. Je ne le condamne pas farouchement. Mais en cédant à la provocation il prive toute son équipe de sa compétence en un moment décisif. Comme je l’ai lu ailleurs sur un forum : il est meilleur que Materazzi au foot, c’est donc sur ce terrain qu’il aurait dû continuer à l’affronter ! En le cognant, il sauve son honneur mais quitte le terrain et perd le match…

Même d’un point de vue non pas moral mais simplement pratique, il n’aurait pas dû cogner. Il y aurait "gagné" davantage… et peut-être même "fait gagner" ! Si nous avions gagné grâce à lui, il aurait probablement tellement heureux et fier qu’il n’aurait pas eu grand mal à pardonner des propos minables qui ne condamnent de toute façon que celui qui les tient… A la limite, il aurait pu répondre aux insultes par l’insulte, c’était une autre possibilité, qui ne lui aurait valu aucune exclusion. La surenchère, l’escalade, sauvent peut-être "l’honneur" mais sont parfaitement contre-productives ! C’est un argument que peut certainement entendre un entrepreneur…

Difficile "maîtrise de soi" ! L’"honneur", c’est bien joli, mais c’est pour nous très Moyen Age, Renaissance, 17e siècle… Comme principe d’action, c’est dépassé. C’est trop irrationnel. Et il y des vertus beaucoup plus hautes… Il faut aussi un grand courage pour ne pas répondre à l’insulte par l’insulte, il est faux de n’y voir que lâcheté, même si rien ne distingue là lâcheté et courage. Ne pas répondre est aussi une marque d’intelligence : c’est considérer que l’insulte est quelque chose de trop "petit", de trop mesquin, pour mériter qu’on s’y arrête. Répondre par la violence à la moindre provocation, c’est devenir automatiquement concrètement aussi stupide que son rival. Zidane est pardonnable… mais il méritait mieux. Il a l’intelligence du terrain, du jeu et du geste technique, pas celle des rapports humains. C’est un guerrier, coutumier des mauvais gestes. Dans ce domaine, ce n’est pas un exemple. On ne l’exonère pas de toute responsabilité en trouvant son comportement très "musulman". Un musulman est un être humain, et comme tel, capable de bien mieux !

5. Vincent M. - 19 juillet 2006

Bonsoir.

1) Je me suis laissé allé à intervenir.
2) Pour parler foot !
3) Et en plus je suis injuste à la fin envers Zidane en écrivant "coutumier des mauvais gestes" et en en parlant comme si je savais comment il joue alors que la dernière fois que je l’ai vu jouer c’était probablement… il y a 8 ans !

Voilà. J’ai donc fait mon intéressant pour pas grand-chose.

Du coup, j’ai relu un peu l’article. D’après Girard, Hamlet, c’est quand même celui qui en a marre de la vengeance que tout le monde attend de lui. Il ne s’y résout à la fin que par mimétisme, que parce que son rival, Laërte, et toute sa culture, lui soufflent qu’il lui faut impérativement se venger.

L’hésitation de Zidane est peut-être hamletienne, son geste aussi, mais Shakespeare, lui, rêve de RENONCER à la vengeance obligatoire !

De toute façon, mauvais geste ou pas, et que je sache comment il joue ou pas, j’aime bien Zidane pour le peu que j’en vois : c’est un homme modeste, on dirait, timide, vraisemblablement consciencieux, bosseur, etc. Que demande le peuple !

Ma fille de 6 ans a pleuré après la finale et mon fils de 10 ans était très énervé. Ils rêvaient d’une victoire obligatoire ! Je leurs disais pourtant que le foot est injuste, que les scores sont si serrés que c’est un sport où ce n’est pas forcément la meilleure équipe qui gagne !

Je crois que c’est cette part de hasard qui rend le foot si accrocheur : on marque un but en contre, on verrouille en défense, et les très bons joueurs adverses ont beau s’escrimer, il est plus facile de défendre que d’attaquer : on leur vole la victoire !

Je suis mécontent aussi que la France ait perdu, arf ! Je ne sais pas si je dois vous remercier ou pas, Thierry, de m’avoir entraîné à en parler alors que je n’y connais à peu près rien ! 😉

6. Thierry Klein - 19 juillet 2006

Moi aussi, j’aime bien Zidane. C’est de loin le joueur le plus émouvant que j’ai jamais vu jouer.

7. etoile perdue comme le joueur - 11 août 2006

on sort un single du coup de boule de zidane le lendemain de la finale pour consoler la france de sa defaite ;alors que cest purement du bisness arretons l hypogrysie; surtout que l on etait fraichement deçus.

8. Guys955 - 20 août 2006

Je préfère lire les comments sur Kundera/ Girard. C’est dommage de laisser autant de place à un sport populaire qui soit une telle démonstration de libéralisme. C’est incroyable que le prolo de service soit aussi aveugle. Alors quand apparaît la religion, on ferme la boutique, parce que ça devient bien ringard… Dieu s’est toujours exprimé dans la langue des hommes ! Tout ça c’est de la merde, comme l’écrit Kundera dans l’insoutenable, la merde n’est pourant pas toujours la chose la plus irrespectueuse qui soit..

9. JMP - 3 novembre 2006

l’italie est une nation délinquante, elle a triché (elle triche), elle a volé (elle vole), elle a menti (elle ment), elle est fasciste,
elle est raciste, elle est sans honneur ! elle est lâche

10. réda - 19 septembre 2008

cessez de critiquer un peu!! ce qui est fait est fait!! et c’est pas vos analyses toutes niquées qui vont changer le cour des choses!! tout les etres humains ont ce qu’on appel  » l’emotion  » faites de bon et de mauvais. Son geste c’est son cœur, et son cœur il est bon comme il est !! On surnome la main droite de maradona  » LA MAIN DE DIEU  » alors qu’auparavant elle etait percu comme une honte!!
zizou c’est pas jésus, moi j’en connait peu qui tende la joue gauche…
zizou il fait des erreurs comme toi, il fait caca et ca pue, comme toi!!
sauf que zizou lui il est plus médiatisé, pas comme toi!!
arrêtez de parler comme si vous connaissiez tout!!
comme si vous aviez réponse a tt les problèmes!! et me ditent pas que vous êtes irréprochables dans votre vie de tout les jours, oui dans votre jardin secret!! celui que seul, vous, connaissez! vos erreurs les plus graves! et les plus transparentes!!
C’est tellement plus facile de balayer la merde et de la foutre sur le palier de son voisin!! j’ aurai bien aimé te voir a sa place. Enfin pour finir, son geste…c’est le destin, et le destin..il t’a pas attendu pour faires les choses!!!
ps : désolé pour mes fautes d’orthographes…moi aussi je suis loin d’être parfait. !!bravo zizou!!