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Mon Irak à moi 7 février 2006

Par Thierry Klein dans : Politique.
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C’est peut être un loi générale – peut-être aussi une ânerie (1) – que la démocratie ne se conquiert que de deux façons:

1) par la révolte violente de tout ou partie de la population (style têtes coupées, 1789)

2) ou avec l’assentiment de la classe qui cède le pouvoir (style Afrique du sud, Perestroïka, mais aussi "Révolution" anglaise ou peut-être aussi l’accès à l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique).

La deuxième façon est d’ailleurs infiniment plus rapide, sûre et favorable pour les peuples que la première.

En Irak, les américains tentent d’imposer la démocratie de l’extérieur, selon l’a priori purement idéologique que la démocratie présente de tels avantages qu’il suffit d’une sorte de "mise en contact" du pays avec ce mode de gouvernement pour qu’il soit adopté.

Ce faisant, les américains tentent d’imposer le régime par une violence externe qui est peut être vouée à l’échec. Il est probable, comme le montrent les élections irakiennes, que la majorité du pays soit pour la démocratie. Mais cette majorité, habituée à une sorte d’esclavage ou du moins de subordination séculaire à un despote, ne semble pas apte à se libérer par la force (cas 1). Les habitants de l’Irak sont dans la situation d’un Raskolnikov qui aurait été forcé à commettre son  meurtre; c’est dire qu’ils ne peuvent pas grand chose.

La classe qui historiquement a dirigé -et opprimé – le pays ne souhaite elle absolument pas céder le pouvoir et semble prête à se battre pour le conserver, ce dont on pouvait douter avant la guerre elle-même.

En conséquence, les américains s’épuisent à combattre la partie de la population qui veut le pouvoir, pour  le transférer à l’autre qui n’en veut pas. Ce combat est sans doute perdu d’avance.

On peut dire que les français, dont le caractère extralucide n’a échappé à personne, les avaient prévenus des dangers mais ce serait leur faire trop d’honneur: dans leur prise de position irakienne, les français ont plus agi par anti-américanisme primaire que par réflexion (si les français disposaient du moindre savoir-faire pour susciter des démocraties dans leurs anciennes colonies, ça se saurait…).

La politique de régionalisation menée par l’Etat français me rappelle d’ailleurs la politique irakienne des Etats-Unis (évidemment avec des conséquences beaucoup moins dramatiques).

Une politique purement idéologique, résultant d’une lecture imparfaite de Montesquieu et de Tocqueville, a voulu privilégier l’administration "proche du citoyen", (pris malheureusement au sens simplement géographique du terme).

Les régions sont donc aujourd’hui théoriquement dotés de pouvoirs immenses, qui les rendent comparables à de petits états.

Le premier problème, c’est qu’il est douteux que l’Etat souhaite réellement dans le temps transférer des compétences politiques importantes aux régions et qu’une partie de ces prétendus transferts de compétences ne vise qu’à habiller des transferts de dépenses, pour une grande partie liés à l’incapacité de l’Etat de réduire son train de vie. D’une certaine façon, la crédibilité de l’Etat ne dépasse pas celle de Louis XVI convoquant les Etats Généraux…

Mais surtout, il ne semble pas y avoir de volonté politique de prise de pouvoir au niveau régional.

Voici quelques exemples, dont certains pris dans mon domaine professionnel. Cela fait plusieurs années maintenant que je suis installé dans le Nord et que j’y observe les hoquets, pour ne pas dire les soubresauts, de la Région.

– De façon quasiment officielle (à tel point que le mot d’ordre est colporté par le personnel technique -non élu – de la Région), la Région ne financera pas le passage à l’e-administration sous le prétexte que "l’Etat l’a certes décrété, mais ne l’a pas financé" (Autrement dit, on bloque volontairement le système sous prétexte d’une guéguerre droite gauche, mais surtout, surtout !, on ne gouverne pas).

– Les hommes et femmes politiques d’envergure locaux (Aubry, Mauroy) préfèrent visiblement la Mairie ou la Communauté Urbaine à la Région. Ce en quoi, il se peut d’ailleurs qu’ils se trompent et que seule Ségolène Royal ait fait le bon choix – autre débat.

– Dans le domaine numérique, la Région n’a aucune politique digne de ce nom. Pas d’initiative d’envergure; les rares frémissements du domaine ne sont pas encouragés – parfois même, c’est la région qui y met fin, de façon directe ou indirecte. Le "plan numérique régional", publié plus d’un an après les élections, n’a aucun contenu sérieux, aucune ambition (évidemment, les politiques vous diront le contraire, et parfois avec talent).

J’ai quelques fois parlé "politique industrielle" avec des représentants de la Région, la réponse qui m’a été apportée est, en gros, que les  opérations de politique industrielle sont incompatibles avec les lois européennes, ce qui n’est pas exact mais surtout montre l’absolue volonté de la région de ne pas mener de politique.

Qu’est donc au final la région ? C’est un nouveau "Soviet Suprême" (2) à deux pas – ce qui me fait une belle jambe en tant que citoyen. Ce n’est pas une liberté ou une souplesse supplémentaire, c’est un coût et une inertie liés à un nouvel échelon administratif.

La région, c’est un organisme qui refuse absolument de prendre le pouvoir (qu’on ne veut sans doute pas vraiment lui donner, d’ailleurs): notre petit Irak à nous, en somme.

 

(1) J’attends vos réflexions sur le sujet…

(2) Il est plus dur de rencontrer les principaux représentants régionaux que des ministres… Je le sais, j’ai essayé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(1) J’attends vos idées !

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