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Deux ou trois mots sur la colonisation et les grands singes 30 janvier 2006

Par Thierry Klein dans : Politique.
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C’est évident que l’esclavage est un crime contre l’humanité et que la colonisation est une injustice – mais il est aussi clair que de toute forme d’invasion, des aspects positifs peuvent ressortir. Parfois, ces aspects positifs nous sont immédiatement visibles (invasion de la Gaule par Jules César). Dans le cas du rôle de la France en Afrique, disons qu’ils le sont moins – je ne veux pas rentrer dans le débat.

Mais de toutes façons, le rôle du législateur n’est effectivement pas de « décider » ce qui est bien ou pas, il lui suffit de nommer ce qui est bien ou mal (par exemple, l’esclavage). Il n’a pas à refaire l’histoire (c’est alors le début de la dictature ou de la censure). Je suis en complet désaccord avec les positions d’Arno Klarsfeld dont je ne sais pas si elles sont simplement opportunistes ou si elles résultent d’un manque de culture.

Dans le cas de l’invasion de la Gaule par Jules César, quel que soit le bien qui en soit ressorti, il ne faut pas oublier que cela a été une occupation atroce (César coupait couramment les mains des prisonniers pour ôter l’envie aux populations de se révolter dans le futur). Si on avait demandé aux fils des victimes quels étaient les aspects positifs de tout ceci, qu’auraient-ils répondu ?

De plus, le « bien » qui en est ressorti ultérieurement est probablement tout à fait étranger au vouloir de César, qui très probablement n’a vu la Gaule que comme un instrument de conquête du pouvoir.

Autre chose, si la colonisation est une injustice, le « droit du sol » en est une autre. Il n’y a pas de justification éthique en vertu de quoi le sol devrait appartenir aux indigènes (en serait-ce que parce que les indigènes ne sont souvent que les anciens colonisateurs).

Les colons français n’avaient aucun droit sur l’Algérie, mais les algériens n’en ont pas non plus. Ce qui est le plus condamnable, c’est le fait que l’invasion crée une domination et des massacres alors que le statu quo est une injustice durable, mais plus douce.

Bref, j’aimerais bien que colonisateurs et colonisés regardent un peu plus leurs responsabilités propres plutôt que celles des autres. En quoi le « droit des algériens à disposer d’eux-mêmes », par exemple, a-t-il augmenté depuis la fin de l’occupation française ? Aujourd’hui, les algériens sont opprimés par les algériens, auparavant ils l’étaient par les français…

Et pendant que tous se renvoient la balle, personne, évidemment, ne s’occupe du massacre des grands singes qui nous concerne tous. Quand, dans quelques dizaines d’années, l’horreur aura été reconnue (le massacre des grands singes paraîtra aussi horrible et incompréhensible à nos enfants que la traite des esclaves et il est de nature très similaire, à savoir qu’une prétendue supériorité semble justifier domination et spoliation), ils ne seront plus là du tout et de toutes façons, ils seront toujours bien incapables de rappeler leurs « droits ».

Et mettre des forces d’interposition en Afrique et en Asie pour éviter l’extinction des espèces, me paraîtrait une mesure éminemment éthique, même si c’est une forme de colonisation.

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Commentaires»

1. davideo - 11 février 2006

Euh… ce n’est pas un peu dangereux de rassembler sur une même note les noirs et les grands singes ?

2. Thierry - 11 février 2006

J’ai parlé de la traite des esclaves, quelle que soit leur couleur. Le premier, à ma connaissance, à la "justifier" est Aristote, à une époque où la plupart des esclaves étaient blancs.
De toutes façons, mon exemple ne vise qu’à comparer des situations: la forme de domination que l’homme exerce sur ses esclaves et celle qu’il exerce sur les grands singes: elle n’induit aucune comparaison entre les esclaves et les singes (1).
Au cas où il y aurait la moindre ambigüité, je ne fais pas de différence entre les humains, du moins pas à partir de leur couleur de peau.

Je fais une différence entre les humains et les animaux, je vois bien que les humains sont plus intelligents et surtout plus "ingénieux" (au sens où ils sont plus capables d’utiliser des techniques pour modifier de façon radicale leur environnement). Mais cette différence, qui a des conséquences pratiques évidemment énormes, me paraît plus "marginale" dans son essence que ce que croient Pavlov, les biologistes, le bon sens "commun" ou les croyants de tout bord.
Je n’ai pas une vision anti-copernicienne de l’homme, pour parler pompeusement.

Et surtout, avoir infiniment plus de pouvoir n’est pas une raison éthique pour s’octroyer infiniment plus de droits, que ce soit vis à vis d’un esclave ou d’un animal.

(1) D’ailleurs Aristote trouve aussi que les deux situations sont semblables. Il affirme que la domination de l’homme libre, dans les deux cas, est « naturelle ».

3. davideo - 18 février 2006

Je me demande si, après avoir prouvé que la terre n’était pas le centre du monde, puis que l’homme n’était qu’un animal (plus intelligent que les autres certes, mais un animal tout de même), nous n’allons pas vers une nouvelle révolution : L’homme n’est PAS plus intelligent que les autres animaux.
C’est tellement incroyable qu’il me faut immédiatement en donner la preuve. Donc la voici : Lorsque je parle à mon chat, IL NE ME RÉPOND JAMAIS. parcequ’il sait que parler ne sert à rien. Ce n’est pas d’une intelligence extraordinaire ça ?