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Comment bien voter le 29 mai 12 mai 2005

Par Thierry Klein dans : Politique.
Lu 6 765 fois | trackback

…et non pas quoi voter, ce qui vous l’apprendrez, n’est pas du tout la même chose.

Bon, allez, je vais faire comme tout le monde, je vais vous parler de la constitution européenne. Mais je vais essayer de ne pas le faire de la même façon que tout le monde. La plupart des bloggeurs vous disent ce qu’ils vont voter et pourquoi ils ont absolument raison. Par le jeu des commentaires déposés sur les blogs, il en résulte des threads de plusieurs pages. Je ne vais pas vous infliger tout ça parce que ces threads sont au fond tous identiques : la seule chose qu’on peut en déduire, c’est que la popularité du blog est totalement fonction de la longueur du thread –et parfois que l’auteur de l’article ne l’a écrit QUE pour générer des liens, c’est ce qu’on appelle la démablogie (Jean Michel Billaut bat Loic Le Meur par 23 commentaires à 10). Dans mon cas, il n’est pas besoin de se positionner de cette façon puisque cela ne ferait que mettre en évidence que le trafic de mon blog est très faible (bonjour papa !).

Donc je ne vais pas vous dire quoi voter – de toutes façons vous ne m’écouteriez pas (surtout papa !) – mais je vais vous dire comment voter et comment ne pas voter. J’espère vous faire ainsi gagner du temps, mais pas d’argent et aussi peut-être un peu de connaissance de vous-même.

Evidemment, il va falloir investir dans la lecture de cet article dont l’introduction vous semble déjà beaucoup trop longue, mais tu verras, lecteur, que si tu daignes lire ce billet jusqu’au bout, ton temps ne sera pas totalement perdu. Et tiens, dès le début, je vais te faire gagner plus d’une plombe.

Règle 1 : Pourquoi, pour bien voter, lire la constitution européenne est totalement inutile.

Tu t’indignes, pas encore fidèle ni convaincu lecteur ! Quoi ? Mais à droite comme à gauche, pour le Oui ou pour le Non, ils sont tous d’accord et ils le clament ! Il faut LIRE la constitution pour se décider. Et bien rien que ça, ça devrait te mettre la puce à l’oreille. Ils l’ont tous lu et ça n’a pas eu l’air de vraiment résoudre leur problème ! Mieux, en connais-tu un seul qui ait changé d’avis après l’avoir lu ? Alors, premier conseil, fais comme moi, choisis avant en tiens-toi-z-y.

D’ailleurs, quand tu prends des décisions dans ta vie, est-ce que tu dois les prendre toujours en toute connaissance de cause ou est-ce que la vraie intelligence, ce qui fait vraiment la différence, ce n’est pas de prendre les bonnes décisions sans disposer de la totalité de l’information ? Est-ce que tu lis tout le mode d’emploi de la cafetière avant de l’acheter, ou tout le manuel de la voiture ? Lire la Bible, Marx et Freud t’aidera-t-il à trancher sur l’existence de Dieu ? Avais-tu lu le programme commun, les 110 propositions du candidat Mitterrand, « Ma pomme » de Chirac sans parler du manifeste du parti communiste ? Et en quoi cela t’a-t-il gêné puisque de toutes façons pratiquement rien de tout cela n’a jamais été suivi d’effets si tant est qu’il ait été précédé d’intentions ?

Tu vois ? Tu as déjà gagné 2 à 3 heures. Et tu devrais déjà me serrer dans tes bras parce que ce que tu viens de gagner, ça correspond à 200 pages de Giscard. Tu as déjà lu un roman de Giscard (1) ? Alors tu imagines, une CONSTITUTION de Giscard ! Merci qui ? Merci Thierry !

Règle 2 : pourquoi il peut être utile, mais aussi dangereux de se décider en fonction de ses amis.

Alors puisqu’il est inutile de lire le texte, on voit fleurir l’argument comme quoi il faut se décider en fonction du crédit des partisans du Oui ou du Non. C’est l’argument employé par Sarkhozy, Hollande lors d’un débat télévisé récent et la plupart du temps, c’est un argument très convaincant en faveur du Oui, car les partisans du Non, c’est vraiment de la belle brochette (la photo ci-dessous provient du blog de Loic le Meur, partisan du Oui).

Mais bon, même si c’est tentant, ce n’est pas un argument sur le fond et ce n’est pas non plus un argument infaillible. Si tu le suis, pour te replacer dans un contexte religieux, tu vas arrêter de croire en Dieu si tu vis sous l’Inquisition et tu risques de t’y remettre sous Jean-Paul II. S’il existe, Dieu suit tes tribulations avec un sourire goguenard et est peut-être en train de te sucrer tes droits au Paradis.

En plus, même si les partisans du Non sont quand même bien gratinés, tu sais bien que beaucoup de partisans du Oui ne valent guère mieux et que parmi les partisans du Oui, les crétins et les suiveurs sont largement majoritaires. Oui, je sais, c’est une affirmation de foi non justifiée, mais tu en as tellement lu partout dans le cadre de cette campagne, lecteur, que non seulement tu m’excuseras pour celle-ci mais peut-être même tu m’applaudiras pour l’avoir admise avec le bon naturel jovial et ouvert qui me caractérise.

Régle 3 : pourquoi il est peut-être efficace de se décider en fonction de la majorité, mais pourquoi ce mode de décision est inopérant en l’occurrence.

Te souviens-tu, lecteur, de ce jeu « Que le meilleur gagne ? », qui était présenté il y a une bonne dizaine d’années par Nagui. Soit un public composé de glands et de tâchons (je dis ça lecteur parce que je sais que quand tu regardais le jeu tu t’estimais instinctivement supérieur à la plupart des participants, sinon tous). Tu poses une question au public, à laquelle chacun doit répondre par oui ou par non. Et bien, dans 99%, comme par miracle, la bonne réponse reçoit la majorité des suffrages, même si la question est très complexe (Tellement complexe, lecteur, que même toi, tu ne pouvais répondre à certaines questions et pourtant ce public, composé de glands, de tâchons et donc tellement analogue à l’idée que tu te fais de la masse des partisans du oui ou du non, et bien, ce public trouvait presque toujours la bonne réponse ! Tu as peut-être regretté, d’ailleurs, que le jeu ne pose pas de questions plus fondamentales telles que « Dieu existe-t-il » ou encore « le cours de l’action Vivendi va-t-il monter », mais non, ils n’ont jamais fait ça – peut-être parce que les bonnes réponses auraient été trop longues à valider par l’huissier et que ça aurait donné lieu à des contestations).

Tu utilises ce principe « So many people can’t get wrong” (peut-être) sans le savoir, tu les jours. Ainsi, si tu aimes tant Google, c’est parce que quand tu fais une recherche, Google va te proposer en premier les sites les plus populaires et pas forcément les plus pertinents au sens sémantique du terme. Si tu lis cet article, c’est très probablement parce que l’auteur a pris le soin de mettre des liens de type « trackback » dans des blogs très consultés sans nul doute à cause de la qualité exceptionnelle de leur contenu. Mais si tu avais simplement recherché « blog constitution européenne » sur Google, tu n’avais aucune chance de tomber dessus, ce qui montre toute la science de Google. Si Google peut faire de l’argent avec ça, est-ce que ça ne te suffit pas largement pour bien voter le 29 mai ?

Mais problème, dans le cas qui t’intéresse, le Oui et le Non sont à 50/50, donc, à moins d’une évolution rapide des sondages, tout ceci ne peut pas t’aider. L’évolution des sondages est d’ailleurs peu probable car ils sont commandés par la presse et le suspense fait vendre (et accessoirement remplit nos blogs). En outre, les instituts de sondage sont des entreprises commerciales et prédire l’incertitude est ce qu’il y a de plus confortable pour eux, puisqu’on ne pourra pas a posteriori leur reprocher d’avoir eu tort. Non, décidément, jusqu’au 29 mai, je prévois que les sondages seront très serrés, contradictoires entre eux, que le pourcentage d’indécis restera supérieur à la marge d’incertitude. Ce qui n’empêche que le 29 au soir, un des camps va l’emporter largement et que les spécialistes analyseront rapidement qu’un glissement important a eu lieu dans les jours qui précédaient l’élection (« mais désolé, chers auditeurs, la loi nous empêchait de vous le communiquer. A défaut, nous allons vous expliquer pourquoi ce glissement massif a eu lieu et comment tout ceci s’est passé. Bla bla bla. A vous les studios »).

N’est-ce pas merveilleux, lecteur, tu viens d’avoir gratuitement toute l’histoire de l’évolution des sondages dans les 3 semaines à venir, ainsi que les analyses qui en résultent. Il est des média qui paient des centaines de milliers d’euros pour ça et toi rien ! Il t’a suffi de lire le blog de Thierry Klein !

Mais je reconnais qu’avec la règle 3, tu restes sur ta faim. Tu pourrais même me reprocher de t’avoir fait pour une fois perdre du temps puisque certes, je t’ai donné une méthode quasi infaillible pour ne pas te tromper mais malheureusement cette méthode est inapplicable en l’espèce. Mais je sais qu’il n’en est rien car je connais instinctivement le bon naturel jovial qui te caractérise.

Alors maintenant, je vais essayer de te fourguer la règle 4

Règle 4 : comment faire une synthèse rapide entre les différentes positions du Non et du Oui et comment se positionner.

Tu sais comme moi, lecteur, qu’il y a deux Nons et un seul Oui. Il peut t’être utile que je te résume les positions de fond en quelques lignes, car ces positions sont noyées dans la diarrhée verbale et littéraire qui caractérise cette campagne et dont ce blog n’est qu’un petit exemple.

Le Pur Oui :

Tu crois à l’Europe ? Tu penses que l’Europe, c’est la paix, le développement, l’égalité, la justice ? Tu es Pur Oui.

Le Pur Non

L’Europe, c’est l’affaiblissement de la France, un modèle social injuste, une administration tentaculaire supplémentaire à Bruxelles. Tu es Pur Non.

Le Pur « Hein » ?

Tu crois à l’Europe, mais pas sous la forme qui t’es proposée. L’Europe, ça pourrait être la paix, le développement, l’égalité, la justice, mais c’est devenu l’affaiblissement, un modèle injuste, etc… Tu es pur « Hein » (et tu votes Non). En gros, si tu es Pur « Hein », ça veut dire que tu es un ancien Oui déçu. Il y a toujours pas mal de déçus en France, des déçus du mitterrandisme, du chiraquisme, etc… Ce qui les rapproche en général, c’est qu’ils ont rarement été enthousiastes au départ et presque tous les déçus du mitterrandisme que je connais ont voté Giscard – mais c’est un autre sujet.

Lecteur, tu as l’impression que je me moque des Pur « Heins », mais ne va pas trop rapidement déduire que je leur sois opposé ou que je vote Oui. La typologie que je t’ai dressée est par définition simpliste et caricaturale et personne ne peut non plus être pur Oui ou pur Non à 100%, à moins d’être totalement lobotomisé.

D’ailleurs, lecteur, que t’importe mon avis ? Aurais-je pour toi quelque crédit ? Dans ce cas, je te renvoie à ma règle 2.

Mais, lecteur, si je t’impose, cette typologie un peu malodorante, c’est parce que je suis convaincu qu’elle résume en dix lignes presque tous les arguments que tu pourras lire et entendre dans la campagne. C’est aussi parce que je t’ai promis au début, de façon un peu inconséquente, que tu pourrais en me lisant gagner un peu de connaissance de toi-même.

Alors, lecteur, ferme les yeux, réfléchis et fais le vide en toi, ce qui je sais est contradictoire mais tu as maintenant dû voir que je ratisse large. Es-tu « plutôt » Pur Oui, Pur Non ou Pur Hein ? Si tu arrives à te déterminer, tu sais quoi voter le 29 mai. Si tu n’y arrives pas, je te conseille de partir à la pêche ce jour là (si tu es de gauche) où en week-end (si tu es de droite). De toutes les façons sois tranquille : ton déplacement sera a posteriori pris en compte et expliqué, en fonction ta couleur politique, par les instituts de sondage.

Je pourrais aussi, si tu es toujours indécis, tenter te montrer pourquoi tous les arguments que tu entends pour le Oui comme pour le Non sont faux, non prouvés ou inopérants dans le meilleur des cas (ce qui justifie encore plus un choix en fonction de ta sensibilité et non pas en fonction des prétendues informations dont on te gave).

Mais une telle entreprise, outre qu’elle dépasse le cadre de ce billet, risquerait de lasser ta patience et nuirait au bon référencement dudit billet sur Google. Elle fera donc l’objet d’un prochain article, dont je te promets qu’il t’éclairera avant la date de l’élection, contrairement aux sondages.

(1) Aucun danger et dans le cas contraire, bienvenue à Valery.

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Commentaires»

1. François - 20 mai 2005

Quelques jours sans billets, je n’étais pas habitué à ça … je scrute en vain mon lecteur de flux RSS mais rien à l’horizon. Oui…il y a des lecteurs fidèles qui attendent avec impatience vos billets Mr Klein :).A très bientôt j’espère !

2. Thierry - 20 mai 2005

Sitôt demandé, sitôt écrit

3. Raoul - 24 mai 2005

Ce petit Thierry a vraiment la plume caustique, et c’est pour cela que j’aime ses blogs… c’est un commentaire qui ne sert à rien, probablement un peu concon… mais c’est la culture blog… tous les balireaux ont désormais leurs 5′ de gloire.