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Comment un message se transmet-il ? 19 septembre 2013

Par Thierry Klein dans : Humeur.
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Mon discours (lu par ma mère en mon absence) à l’occasion de la remise de la médaille des Justes parmi les nations à Mr et Mme Mandon, cérémonie organisée par le comité Yad Vashem le 22 août 2013 à Lamastre.

J’ai toujours un sac de jute dans mon bureau.


Pendant toute mon enfance, j’ai entendu les « légendes » liées à Lamastre. J’ai toujours su que mes grands- parents et mon père s’y étaient cachés pendant la guerre, avaient été accueillis par « Les Mandon » qui leur avaient sauvé la vie à plusieurs reprises.

Mon père nous racontait des histoires de sauvetage – à l’école, lors d’une rafle ou cachés dans les bois – aventures qui, avec le recul des ans prenaient parfois un tour comique dans le style de la grande vadrouille puisque, pour ma famille du moins, tout s’était bien terminé. Il m’a fallu des années pour comprendre à quel point ce qui s’était passé à Lamastre m’avait marqué, moi qui pourtant n’avait rien vécu des peurs de la guerre . Et le côté vraiment exceptionnel et universel de se qui s’ y est joué, je ne l’ai saisi que bien plus tard encore, après la mort de mon grand-père.

Ce qui est exceptionnel dans les actes de résistance des Mandon, ce qui les rend encore plus grands, c’est qu’ils ont eu lieu « tout simplement », sans jamais être revendiqués. Jamais les Mandon n’ont prétendu donner l’exemple, jamais ils n’ont chercher à rendre leur sauvetage public, à ce qu’il soit l’objet d´un livre, d’une émission de télé ou tout simplement d’un devoir de mémoire.

A tel point qu’il y a un côté incongru ou sacrilège à tenir aujourd’hui une cérémonie qu’ils n’ont pas exigé et dont peut être ils n’auraient pas voulu.

Ce que les Mandon ont donné est au delà de toutes les cérémonies mais il reste important pour nous tous, y compris pour nos enfants, de savoir qu’ils ont su se dresser dans un but simplement altruiste, humanitaire, moral sans aucune attente de récompense, de remerciement, ni même aucune attente de reconnaissance.

Cette absence de toute revendication fait bien partie du message et est une des raisons pour lesquelles les actes des Mandon touchent à ce qu’il y a de plus grand, de plus universel dans l’expérience humaine.

Au moment où l’Europe était emportée par des torrents de propagande, de haine et de violence, le soleiĺ ne s’est jamais complètement couché sur Lamastre. Les Mandon ont éclairé cette immense tragédie d’une lumière qui en rachète l’horreur et l’amertume et nous permet de garder foi en l’homme . C’est ce qui fait d’eux,au sens biblique du terme, des Justes. Ce qui nous reste de cette guerre 70 ans plus tard, et pour l’éternité n’est plus la désolation, mais une immense admiration, une immense espérance, qui pourra nous stimuler et nous encourager.

« Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire, que la ville brûlé mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ?
– Demande au mendiant, il le sait.
– Cela à un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore
. » Jean Giraudoux, Électre.

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