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Discours d’anniversaire : à ma maman 23 septembre 2009

Par Thierry Klein dans : Humeur.
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Puisqu’on me le réclame partout (en fait, je suis fier comme un pou de ce discours), voici une copie du discours que j’ai ânonné rédigé pour les 70 ans de ma maman chérie samedi dernier (anniversaire surprise et bravo à papa pour l’organisation, d’ailleurs).

Vous noterez avec satisfaction qu’une étape vers le raffinement et le classieux a été franchie par-rapport à ce que je produis habituellement en matière de discours de mariage.

Le contenu est un peu « private » par-rapport aux autres billets de ce blog. Certains vont sûrement trouver ça impudique. Je les renvoie vers Secret Story qui me bat tous les jours à plate-couture en la matière et je ne saurais mieux faire.


Evidemment, Maman, pour moi, ça commence à ma naissance et même un peu après, parce que je n’ai pas beaucoup de souvenir de ma naissance, bien qu’on m’ait toujours affirmé que j’étais aux premières loges. Donc, je n’ai pas grand chose à dire sur la période marseillaise: mes souvenirs d’enfance, c’est avant tout la période nantaise.

Ce dont je me souviens, c’est qu’il y avait très souvent, presqu’en permanence, du monde à la maison. Quand j’en parle à mes frères et soeurs, on a en mémoire avant tout les goûters du dimanche soir avec les Raulin et les Thélot – c’était super, sauf que quand les Thélot étaient là on ne pouvait pas regarder la télé.

Les Gras, les Chirons, Patrick, Pascal et Pierre passaient très souvent – avec une pointe de fréquentation marquée pendant la crise d’adolescence qu’ils ont tous eu, comment dire, assez forte.

Quelques années après, une dénommée Mère Thérésa a eu un prix Nobel – à notre grand étonnement parce que je peux vous assurer qu’elle n’a pas fait le quart à Calcutta de ce que maman a fait rue du Dr Rappin – et en plus maman est bien meilleure cuisinière que Thérésa.

Celui qui profitait le plus de tout ça, en fait, c’était le cocker, Itou, parce qu’il gagnait sur tous les tableaux: comme la maison était toujours ouverte, ça lui permettait de passer le plus clair de son temps dehors. Il rentrait juste à l’heure des repas pour voler le gigot ou le poulet – il arrivait toujours à voler quelque chose et je ne compte plus les dîners où 15 mn avant de passer à table, on se rendait compte que le chien avait tout mangé – impossible de lui reprendre quoi que ce soit, il devenait dangereux dès que ça touchait à la bouffe et en plus il était rancunier: la fois où on est arrivé à lui ôter le pain de la bouche, il s’est vengé en lacérant les sièges de la DS.

On vivait dans un univers marqué par la biologie.

A 5 ans, en cadeau d’anniversaire, on nous a donné notre première grenouille à disséquer – je me souviens toujours très bien de la position du nerf sciatique de la grenouille.

A 7 ans, comme on était en période post-soixante huitarde, on a eu droit à des schémas très avancés des appareils génitaux masculins et féminins, niveau fac de médecine – ceux-là, heureusement, je les ai oubliés.

Un univers marqué par la biologie, mais pas forcément par la science: on a appris juste 48h avant l’arrivée des jumeaux qu’on allait avoir 2 frères et soeurs – parce que personne n’avait été foutu de lire l’échographie correctement.

Une autre fois, en promenade, ma mère voit un gros chien avec un tampon sur les fesses. Elle demande à son maître: « qu’est-ce qu’il a votre chien ? ». « C’est une chienne madame ». « Que voulez vous que ça me foute ? »

(ce qui fait que pour moi, la biologie a toujours été une sorte de chainon manquant entre l’astrologie et la science).

Pour être tout à fait honnête, il y avait aussi souvent à la maison un niveau de stress et de cris non négligeable. On parle des amours de Liz Taylor et Richard Burton, on s’extasie qu’ils se soient remariés 7 fois, mais moi, ça ne m’a jamais impressionné, parce que mes parents ont dû divorcer en paroles un bon millier de fois.

J’ai toujours été depuis eu une grande méfiance pour toutes les stratégies de dissuasion nucléaire parce que j’ai pu observer que dans certains cas, seule la relative rareté d’une ressource naturelle nommée vaisselle peut mettre fin aux conflits (Pour tout vous dire, ça continue encore aujourd’hui, mais les derniers projets de divorce ont échoué parce que mes parents n’arrivent pas à s’entendre sur la façon de se répartir la garde des capsules Nespresso).

Je me souviens bien sûr des vacances au Sauze avec les Lazarus. Au Sauze, on vivait à 6 pendant 1 mois dans 35 m carrés donc le terme de maison ouverte n’est sans doute pas totalement approprié. Depuis avec mes frères et soeurs, je ne sais pas pourquoi, on s’est toujours passionné pour les problèmes de surpopulation carcérale.

Il y a une autre anecdote qui me revient à l’esprit.

On rentrait de Suisse par les Alpes. Nous avions acheté un horrible coucou qui valait sans doute très cher et il était caché dans le coffre, sous la roue de secours, endroit que bien évidemment aucun douanier ne penserait jamais à inspecter.

Maman était très très stressée, elle aurait souhaité le déclare, ce coucou, et pendant les 2 ou 3 h précédant le passage en douane, Nathalie (3 ans) et moi (7 ans) avons été briefés de façon intensive.

En cas d’interrogatoire, même très poussé des douaniers, même avec la lampe blanche dans les yeux, nous devions nier farouchement la présence de tout coucou dans la voiture. Nous savions aussi que si le Douanier, vicieux et manipulateur par nature, lâchait devant nous le mot « coucou » ou « réveil » ou même « horloge », nous devions rester absolument passifs et indifférents pour ne pas tomber dans son piège.

Quand j’y repense, je me dis que si les allemands étaient revenus, nous étions quasi prêts.

Nous avons roulé doucement jusqu’au poste de douane. Grand sourire de mes parents pour leur montrer qu’ils avaient bien 32 dents (nous à l’arrière, on en avait un peu moins, je ne me souviens plus exactement combien, mais je vous garantis qu’on les montrait toutes). Mon père a baissé la vitre, et dit « bonjour. » Le douanier a salué, dit « Bonjour Monsieur », regardé maman et dit « bonjour Madame ».

Eh bien, il était encore plus vicieux que ce qu’on pensait, ce douanier, parce que là, maman a répondu « coucou ! » . Et dans la confusion qui a suivi, on est resté plus de 5h en douane – je me demande encore comment on a réussi à reconstituer la voiture, qu’ils sont désossée !

Le côté « maison ouverte », ça perdure à St-Germain et souvent, ça nous inquiète.

De temps en temps, il y a un SDF stupéfait qui se retrouve invité à manger et dormir à la maison sans raison, simplement parce que maman a trouvé qu’il avait l’air malheureux sur le trottoir. En fait, personne ne sait d’ailleurs si c’est un SDF – si ça se trouve, c’est Howard Hugues – mais bon, maman a trouvé qu’il avait l’AIR malheureux.

L’autre jour, dans le métro, un couple se dispute et l’homme commence à frapper sa femme. Comme toujours, les parisiens baissent le nez et passent. Qui s’interpose ? Maman ! Elle commence à engueuler l’homme, une brute épaisse de 1,90m, 90 kg, qui la menace, puis s’enfuit !

Quand vous l’interrogez, elle dit qu’elle ne risque rien, qu’elle a toujours eu beaucoup d’intuition. Vous avez tous pu constater vous même il y a 1 h la grande intuition dont elle a fait preuve pour deviner le contenu de la soirée… Bref, pour nous, les enfants, l’angoisse est permanente.

Mais le plus embêtant, vraiment, c’est que maintenant, pour réserver une place dans les maisons de campagne, à Soulac ou au Sauze, on passe après la femme de ménage et même après les peintres qui ont refait la maison il y a 2 ans !

Bref, ce qui recoupe tout ça, ce qu’on a vécu à la maison, ce que certains d’entre vous ont vécu et aussi son métier, professeur, qui a été très important pour elle, c’est le goût des autres et le dévouement pour les autres.

Je vais m’arrêter là par pudeur parce que c’est un d’anniversaire, pas un enterrement.

Pour tout vous dire, c’est la deuxième fois que je fais un discours en l’honneur de ma mère. La première fois, c’était pour la fête des mères et j’avais 9 ans. Le discours a eu un très gros succès mais j’ai toujours eu une sorte de remords et je dois l’avouer maintenant, il était intégralement pompé.

Maman, je suis désolé de te dire que la feuille manuscrite qui jaunit précieusement depuis 37 ans dans l’album photos, celle qui a révélé une grande sensibilité très précoce chez ton fils, c’est du Victor Hugo !

Il faut aussi que vous sachiez que la date de cette réception est mal tombée, parce que maman venait d’entamer un régime, le 2721ème depuis la naissance des jumeaux, mais c’est sûr, ce coup-ci, c’était du sérieux, elle allait y arriver. A cause de vous, tout ça est remis à lundi !

Je vous donne rendez-vous à tous maintenant dans 2 ans, pour les 100 ans de Granny.

Bon anniversaire.

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Commentaires»

1. BVDLPAMPA - 26 septembre 2009

pour les ECP promo 86 tu parles de Francois K*** ou K**** concernant la copie volante ?

2. Thierry Klein - 27 septembre 2009

@BVDLPAMPA

Si je préserve son anonymat dans mon billet, ce n’est pas pour le citer en commentaires…

3. godillot - 21 novembre 2011

Bonjour,

Génial votre discours.

Justement, ma maman fête ses 70 ans bientôt et je suis en panne d’inspiration (pourtant d’habitude je ne manque pas d’idée).

Pouvez vous m’aider ?

merci

Cathy