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Comment Internet contribue au rétrécissement du savoir 9 septembre 2009

Par Thierry Klein dans : Economie,Google,Technologies.
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Soi disant, Internet représenterait une chance pour le savoir humain. Google référence aujourd’hui plusieurs trillions de pages. Son objectif est de numériser tous les livres au prétexte pompeux que « le plan de numérisation permettra de rendre à nouveau accessibles des ouvrages épuisés et introuvables ».

Savoir potentiel n’est pas savoir réel

Mais comme personne n’a la possibilité physique de lire toutes ces pages – tout ceci ne constitue que le savoir disponible potentiel. La quantité réelle de savoir disponible ne peut être quantifiée que de façon statistique. Le Web est intéressant si le temps moyen passé par un internaute sur des pages contenant du savoir est important. Le savoir disponible, c’est la quantité moyenne de savoir à laquelle un internaute accède réellement – et non pas potentiellement – au cours d’une session, d’une journée, d’une vie, multipliée par le nombre d’internautes.

Or cette quantité de savoir réellement disponible, qui n’a d’ailleurs jamais été très élevée sur le Web, diminue structurellement de jour en jour, Google étant l’acteur majeur, bien que probablement involontaire, de ce rétrécissement.

Google crée du trafic, si possible sponsorisé, pas du savoir.

Les algorithmes de Google ont pour objectif final de maximiser le revenu obtenu en cliquant sur les liens sponsorisés. Pour ceci, Google se doit d’être pertinent dans ses résultats (sinon vous utiliserez un autre moteur) et dans ses propositions publicitaires (sinon le revenu de Google diminue).

Pour Google, la qualité des résultats est donc un moyen, non une fin. Ceci veut dire qu’un jour, nécessairement, apparaîtront, chez Google ou ailleurs, des techniques donnant des résultats moins pertinents mais plus rémunérateurs, à travers une probabilité accrue de clic sur un lien sponsorisé.

Google vous incite, en moyenne, à aller vers les pages les plus intéressantes pour les annonceurs, qui sont sa source de revenu. Le mécanisme avec lequel il y parvient est subtil, mais continûment amélioré car Google dispose d’un réservoir permanent et infini de statistiques. Il est capable presqu’instantanément de déterminer si tel ou tel changement d’algorithme conduit à plus ou moins de revenu. Conséquence: vous passez toujours de plus en plus de temps sur des pagés générant du revenu pour Google.

Google s’adresse avant tout au consommateur qui est en vous, pas à l’homme ou à la femme de savoir. Votre soif de savoir, si tant est qu’un tel terme ait un sens, c’est l’alibi qu’il vous sert, le leurre avec lequel il vous attire. Laissez passer quelques années et vous vous retrouverez tous à lire des blagues idiotes, échanger des messages insignifiants sur Facebook, acheter en ligne ou à taper le mot le plus recherché sur Internet, c’est-à-dire « sexe »: vous ferez comme comme tout le monde.

Google ne vous rend probablement pas idiot, comme certains articles récents, fort intéressants par ailleurs, l’ont prétendu, il vous rend consommateur – et la consommation n’est absolument pas corrélée avec le savoir.

Sur le plan comportemental, la distinction entre savoir théoriquement disponible et savoir réellement disponible est immense. Prenez un étudiant ou un chercheur.

En théorie, il lui suffit d’avoir accès à Internet pour avoir accès à toute la bibliographie dans son domaine.

En réalité, s’il va sur Internet, il rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la bourse, les résultats sportifs, chatter sur MSN…). Cette distraction permanente est à comparer à son comportement en bibliothèque, isolé, sans rien pouvoir faire d’autre, dans une cellule avec ses quelques livres – l’avantage de la bibliothèque physique sur Google : l’absence de distraction.

Que le savoir disponible réel sur Internet soit très faible pour des raisons qui tiennent au comportement, aucun doute là-dessus. Même les plus optimistes sont conscients qu’Internet est avant tout une source de distraction et de temps perdu – et toutes les entreprises qui ont étudié le comportement sur Internet de leurs employés le savent.

Qui plus est, ce savoir disponible diminue non seulement au sens comportemental mais au sens quantitatif du terme, comme le suggère le titre de ce billet. Et voici pourquoi.

Une page qui contient de la pub sur Internet est « probablement » peu intéressante – l’éditeur du site de ces pages n’a pas pour objectif d’augmenter votre connaissance, mais de vous faire cliquer sur un lien sponsorisé. Une page sans pub a plus de chance d’être intéressante, au sens du savoir. Au moins, l’auteur a-t-il publié une information de façon désintéressée. La quantité de savoir disponible est corrélée au pourcentage du nombre de pages Web qui ne sont pas financées par la pub.

Or Google et toutes les entreprises qui vivent du Web orientent vos recherches pour que ce pourcentage diminue – essayez d’évaluer le pourcentage de pages sans publicité lorsque vous allez sur le Web. Ce pourcentage est réellement très, très faible. (Il est même possible que d’ici une heure, ce blog soit le seul espace consacré au savoir que vous aurez visité : profitez-en).

J’évoquais en mai dernier la fin de l’illusion cinématographique Né il y a 100 ans. Le cinéma qui promettait, le nouveau moyen d’expression culturel (sans même parler du cinéma en tant que nouvelle forme artistique) a aujourd’hui presque totalement disparu. Il est devenu un des principaux vecteurs de l’abêtissement général.

Internet: le début d’une illusion.

Billets associés :

Commentaires»

1. Parmentier Simon - 9 septembre 2009

Aucun rapport avec le sujet du jour mais je suis tombé sur ce site et j’ai pensé à toi :
http://www.minifarthing.com/site/

Tu connais certainement…. Mais au cas ou…

Bonne continuation.

Simon

2. csun - 21 septembre 2009

Perspective intéressante. Comme je ne suis pas d’accord, je vous propose quelques éléments de contre-analyse:
– internet n’est pas google (ou google n’est pas internet); internet est une bibliotheque géante, peut etre mal organisée. Google est le guide uniquement.
– si la pertinence des moteurs de recherche commerciaux diminue, il y aura de la place pour une alternative type logiciel libre ou tout simplement des annuaires spécialisés dans le savoir. le moteur de recherche a une vocation universelle
– je retrouve une partie des critiques adressées à l’encontre de wikipédia. Les critiques vu d’un oeil de chercheur. Critiques élitistes. Pour ceux qui comme moi ne sont pas chercheurs, font du web au boulot, la bibliothèque avec livre physique n’est PAS une alternative. Il n’y a pas d’alternative (aujourd’hui) à google et wikipédia (je simplifie un peu bien sur)
– definir internet comme piètre source d’information à cause de la proximité de la distraction me semble un raisonnement frauduleux… ce n’est pas la source qui est mauvaise, mais son utilisation qui serait délicate, non? vous ne croyez pas?

Enfin, pour aller dans le sens du billet, on peut dire qu’il y a un rétrécissement de l’information réellement disponible car les « bonnes » pages sont noyées dans une multitude grandissante de pages de moins bonne qualité

3. Thibaut - 27 septembre 2009

Brouf…(ça c’est du commentaire)

Internet est un moyen d’échange et de capitalisation de l’information.

Maintenant vous savez ce que pense votre voisin en lisant son blog.

Et si il se trompe selon vous, vous pourrez engager la conversation dans les commentaires.

Sur wikipédia il y a beaucoup de monde qui travaillent sur les sujets qui les intéressent (donc qu’ils connaissent au moins un peu, souvent bien). On observe que les articles les plus édités finissent par passer au dessus de la qualité des articles des encyclopédies traditionnelles.

Les blogs font du bruit, du savoir, de la rumeur, de bons articles et de mauvais. C’est un peu comme si tout le monde se parlait dans le métro.

Au final si l’utilisateur s’imagine que ce qui est sur internet est tout le temps à prendre comme argent comptant sous prétexte que c’est écrit il n’ira pas très loin. Si il sait comment trier l’information et sélectionner ses sources il ira beaucoup plus loin que si il n’avait pas internet.

Pis dans la vie hein, c’est pas bien différent, c’est les mêmes personnes qui écrivent sur internet que ceux qui parlent; écrivent dans les journaux, radotent, prennent des décisions qui engagent des milliers de personnes…

Donc vous pouvez utiliser les mêmes règles que dans la vie pour évaluer vos infos sur internet En imaginant que ce qui relève ici de l’écrit pourrai relever de l’oral dans la vie. Les gens commencent à le comprendre… ( Heureusement français moyen est très méfiant. ^_^)

Évidement Google n’a pas encore trouvé la formule magique pour trier la pertinence des informations. Tout ce qu’il propose c’est de les classer en mesurant le bruit qu’ils font sur le web (nombre de liens en très gros). Il faudrait l’écrire en gras sur la page de recherche sans doute…

Devrai bien y avoir un ouvrage de recherche sur la candicité des internautes débutants quelque part ? ^_^

4. Thibaut - 27 septembre 2009

Citation :
« Une page qui contient de la pub sur Internet est « probablement » peu intéressante […] La quantité de savoir disponible est corrélée au pourcentage du nombre de pages Web qui ne sont pas financées par la pub. »

C’est pour ça qu’il y a de la pub sur le site du Larousse en ligne :
http://www.larousse.fr/

Et qu’il n’y en a pas sur ce blog.

Conclusion : ce blog contient plus de savoir que le Larousse.

CQFD !

^_^

5. Thibaut - 27 septembre 2009

Citation :
« Ceci veut dire qu’un jour, nécessairement, apparaîtront, chez Google ou ailleurs, des techniques donnant des résultats moins pertinents mais plus rémunérateurs, à travers une probabilité accrue de clic sur un lien sponsorisé. »

Un possible malveillance à venir de Google est quelque chose qui inquiète un certain nombre d’internautes. Cela dit il faut bien comprendre que le monopole de Google est tout ce qui il y a de plus fragile.

L’opinion sur les services internet est aux mains d’une série de geeks qui sont extrêmement vigilants sur ce type de choses. Si quelqu’un se rends compte que les résultats sont trafiqués ou si un employé dégouté organise une fuite ça se saura très très vite avec une très mauvaise publicité à la clef. Et Bing! Les gens iront chez Microosoft.

Maintenant le risque c’est très éventuellement que les géants décident de concert de « banaliser » le traficotage des algorithmes dans l’esprit de l’internaute en lui disant « c’est normal ».

Sauf que celui qui propose des résultats réellement pertinents et le fera savoir aura immédiatement un avantage concurrentiel décisif.

Prenons un exemple : si les gros baissent leur qualité on pourrai imaginer un « petit nouveau » qui lui fasse de la qualité (par ex sur des parties spécifiques du web pour commencer) se fasse peu à peu connaître. Ni Google ni Microsoft n’ont envie de ça !

Dans le même esprit si demain on se rends compte que Bing (Moteur de Microsoft) est largement au dessus de Google je peux te garantir que ça vas faire du buzz chez les geeks et que ça vas se répandre…

Il ne faut pas se leurrer, la course entre les moteurs de recherche est bien à qui proposera les résultats les plus pertinents selon les critères des internautes.

6. Thierry Klein - 27 septembre 2009

@Thibaut et CSUN, qques réponses un peu « en vrac »

Je parle d’une CORRELATION forte en la présence de la pub et l’intérêt (au sens où il est défini dans mon billet) d’une page. Il ne s’agit pas d’une règle absolue, juste d’un critère simple permettant une évaluation quantitative du « rétrécissement » au cours du temps.

Wikipedia échappe aujourd’hui à la plupart des critiques que je fais dans mon billet (A ceci près que beaucoup d’entreprises utilisent Wikipedia pour des besoins de communication, il devient, pour certaines pages, un support de nature publicitaire).

J’ai été voir le site du Larousse en ligne. Ce n’est pas du tout « Le Larousse » et je n’y trouve effectivement pas beaucoup d’intérêt. C’est un site de communication et d’ecommerce autour des produits Larousse – rien à voir avec Le Larousse, que je considère effectivement, lui, comme un outil servant à la diffusion du savoir.

J’essaierai de revenir là dessus mais pour moi, la diffusion « gratuite » (financée par la publicité) de contenu contribue au rétrécissement du savoir.

La diffusion gratuite ou payante de contenu (sous forme de livre payant, abonnement à un site Internet ou Wikipedia) ne contribue pas à ce rétrécissement (évidemment, l’information peut être plus ou moins intéressante, c’est un autre sujet).

C’est Internet qui fait le mieux apparaitre cette « loi » à cause de l’importance énorme prise par le gratuit financé par la pub. Mais toute la presse traditionnelle a un modèle mixte (modèle à la fois payant ET financé par la pub). On peut en déduire beaucoup de chose sur l’intérêt des différents journaux, à mon avis.

7. JD - 30 septembre 2009

Monsieur Klein,

Suite à la lecture de votre tribune dans Libération, c’est grâce à Google que je retrouve votre blog (premier résultat en tapant votre nom malgré l’absence de publicité sur celui-ci!).
Puis-je vous suggérer de prendre ce que je vais vous dire comme un moyen d’accroître votre savoir.
Le premier paragraphe « Soi disant, Internet représenterait une chance pour le savoir humain. Google référence aujourd’hui plusieurs trillions de pages. Son objectif est de numériser tous les livres au prétexte pompeux que « le plan de numérisation permettra de rendre à nouveau accessibles des ouvrages épuisés et introuvables ». » montre que vous nagez en pleine confusion : vous confondez internet, le (world wide) web, Google Recherche et Google Books.
La suite n’est guère mieux : vous utilisez la notion de savoir sans prendre la peine d’en donner votre définition et vos arguments ne s’appuient que sur des préjugés : « Or cette quantité de savoir réellement disponible, qui n’a d’ailleurs jamais été très élevée sur le Web, diminue structurellement de jour en jour … » Comment le mesurez-vous ?
L’argument de l’absence de distraction dans l’acquisition du savoir est malhonnête car qui n’a jamais rêvassé devant un livre ouvert, ou fait tout autre chose qu’étudier dans une bibliothèque : le comportement dans l’acquisition du savoir est directement lié à l’état d’esprit dans lequel on l’aborde.
De même, votre argument quantitatif où vous mettez en corrélation l’information sponsorisée par la pub et l’intérêt de l’information, perd toute sa substance si on fait le parallèle entre les journaux où ceux-ci mettent gratuitement en ligne les mêmes articles que la version papier en échange d’un bandeau de pub.
Enfin, quand vous évoquez le cinéma/audiovisuel (modèle de un vers tous), cela est un leurre car la principale différence avec internet (le medium) est que ce dernier est un modèle de tous vers tous (sous réserve de la neutralité du web, enjeu majeur du 21ème siècle).
Je crois comprendre que vos griefs vont vers Google -le moteur de recherche- dans ce cas, pour conserver la portée de vos arguments, peut-être qu’il serait plus judicieux de les circonscrire.

Cordialement,
JD.

8. Thierry Klein - 30 septembre 2009

@JD

a) Vos remarques sont partiellement fondées. Je vous demande simplement de prendre en compte qu’il s’agit d’un billet d’une page, pas d’une thèse. Tout définir, tout introduire est impossible. J’ai essayé d’être le plus rigoureux possible, dans le cadre imparti, tout en restant compréhensible. Je propose quelques instruments quantitatifs simples, ce qui n’est déjà pas si fréquent. J’admets bien volontiers qu’ils sont imparfaits.

b) La presse est partiellement concernée, évidemment, par mon argument. Mais j’essaie de mettre le doigt sur la différence entre une optimisation active, en temps réel, des moyens publicitaires (Adwords) et une simple présence passive, non optimisée, d’un encart sur une page de journal. Pour moi, il y a une montée en puissance de la distraction publicitaire (presse -> radio -> tv -> internet). Vous n’êtes pas obligé de me suivre là dessus évidemment.

c) Je ne pense pas que considérer la distraction soit malhonnête; je pense que c’est réaliste. La distraction est un facteur important dans l’acquisition du savoir. Un bon professeur et un mauvais parlent de la même chose, le résultat pour l’élève n’est cependant pas le même.

d) Je n’ai pas de grief particulier envers Google – plutôt de l’admiration.

e) Pour moi, ce que vous appelez « neutralité » du Web se résout plutôt en un phénomène de contagion; la pression de tous sur l’avis de chacun. J’aurais besoin de plus de temps pour développer mais de toutes façons, c’est un autre sujet.

9. DD - 1 octobre 2009

« l’avantage de la bibliothèque physique sur Google : l’absence de distraction »
Cool, un monde sans distraction… bref le monde rêvé des talibans… talibans qui sont comme chacun sait grand diffuseurs de savoir…

« Mais comme personne n’a la possibilité physique de lire toutes ces pages »… c’est pourquoi google arrive à la rescousse pour chercher une citation obsure dans 1000 pavés de 1000 pages… temps via google: 0.123 ms, temps pour un humain: 1 vie…

10. TC - 2 octobre 2009

Bonjour,

Je suis tombé sur votre article par hasard et j’aimerai discuter avec vous « en privé » sur certains points :
– vous poser des questions sur vos sources d’informations
– émettre quelques remarques

Ce sujet m’intéresse tout particulièrement car je suis doctorant en informatique et je travaille sur la recherche d’information.

Je pense qu’un tel échange serait enrichissant…

11. Nicolas.D - 2 octobre 2009

M. Klein !

Difficile à la lecture de votre article ou des réponses apportées à vos commentateurs de discerner le véritable message véhiculé : « Google : le traitre du savoir », « publicité : ennemi de l’enseignement », « Internet ou l’hypnotiseur des consommateurs primaires que vous êtes », « la numérisation des livres rend analphabète ».

Google n’est pas un moteur de recherche. Google est une entreprise (oh mon dieu …). Google doit trouver de l’argent (ARRÊTEZ CETTE TORTURE !). Comment le fustiger alors que, sur un marché partagé avec Yahoo et Microsoft, il est le seul à :
– ne jamais faire de publicité sur sa page d’accueil
– proposer des publicité les moins ostentatoire
– afficher des résultats (les plus) pertinents

Donc, s’il ne s’agissait de blâmer Google que sur sa politique de rémunération alors autant vous en prendre tout simplement à la politique de rémunération de tous les moteurs de recherche. Bien que vous ne sembliez pas faussement dubitatif face à l’aspect comportemental que présente la recherche sur Internet et le « savoir » qui s’y trouve, j’ai l’impression toutefois que ce billet vise à faire, avant tout, le procès de Google.

Cependant, votre dernier commentaire me trouble : « Je n’ai pas de grief particulier envers Google – plutôt de l’admiration ». Peut-être avez vous de l’admiration pour ce qu’est devenu cette entreprise mais il est déconcertant de voir que deux semaines plus tôt vous étiez sans complexe en mesure de publier ce message racoleur « Google contribue au rétrécissement du savoir ».

Alors que dénoncez vous ? L’apprentissage impossible sur un Internet trop agité face à la bonne vieille bibliothèque ? Vous êtes vous même acteur du marché du e-learning. Et dans le cadre de l’ancrage du savoir, ce n’est pas Internet le trouble fait si je suis votre thèse … mais l’ordinateur tout entier (je me ferai bien un solitaire moi).

Peut-être dénoncez vous la liaison dangereuse du savoir et de l’argent ? Il me semble que votre activité de vente d’outils au service de l’enseignement et du savoir est plutôt lucrative …

Quant à votre conclusion « Internet, le début d’une illusion » … un peu pompeuse tout de même ?!

Cordialement,
Nicolas.D

12. Thierry Klein - 2 octobre 2009

@Nicolas D

1) Pas de message particulier dans mon article. J’essaie de comprendre un mécanisme, je ne suis pas un militant.

2) De vos 4 affirmations : “Google : le traitre du savoir”, “publicité : ennemi de l’enseignement”, “Internet ou l’hypnotiseur des consommateurs primaires que vous êtes”, “la numérisation des livres rend analphabète”, la 2 et la 3 ne sont pas incompatibles avec mon billet (au sens où ce sont des choses que je pense plus ou moins, mais que mon billet n’aborde pas vraiment) et à condition de m’inclure, comme tout le monde, dans la liste des consommateurs primaires), la 1 est vraiment hors sujet car je n’attribue pas a priori à Google d’intention bienfaisante ou malfaisante, tout au plus un intérêt et la 4 est une absurdité, à mon avis.

3) Google est emblématique de l’Internet (plus de 85% du trafic des sites que je connais passe par Google) et fait à mon avis mieux et avec plus de cohérence stratégique ce que les autres moteurs cherchent à faire. C’est ce qui fait qu’il se retrouve « au milieu » de mon billet: son impact, son excellence.

4) Il est certainement moins pompeux, en tous cas beaucoup moins ambitieux, de parler du début d’une illusion qui a 15 ans que de la fin d’une autre qui en a 10000. Si je m’étais lâché, mon billet aurait été beaucoup plus prétentieux; vous avez évité le pire.

13. Nicolas.D - 2 octobre 2009

M. Klein !

Je soupçonnais en effet un brun de militantisme dans votre article d’où le léger sarcasme de mon commentaire.

Concernant vos points 2) et 3) je suis entièrement d’accord avec vous, jusqu’à l’absurdité un peu voulue (vous n’en avez pas douté) de certains de mes propos.

En revanche, qu’entendez vous par la fin d’une ère vieille de 10 000 ans ? Si vous parlez de l’écriture, qui oserait prétendre y mettre un terme ? Si tel est le cas, je serai curieux d’avoir vos source !

Enfin, vous êtes ici chez vous. Quoi de plus légitime que de lâcher deux-trois perles à la maison.

Bon week end à vous et bonne continuation dans votre entreprise, et dans vos réflexions !

Nicolas.D.

14. Thierry Klein - 2 octobre 2009

(« L’avenir d’une illusion » est le titre d’un livre de Freud, qui parle en l’occurrence de la religion. Je pensais que c’était ça que vous trouviez pompeux)

15. Sur RFI, ce soir à 19h15 - 8 octobre 2009

[…] parler de Google et du rétrécissement du savoir… Billets associés :Comment Internet contribue au rétrécissement du […]

16. Adrien Carpentier - 14 octobre 2009

Bonjour et bravo pour votre blog !

J’ai de grosses critiques à formuler cependant à propos de votre article.

« Le cinéma qui promettait, le nouveau moyen d’expression culturel (sans même parler du cinéma en tant que nouvelle forme artistique) a aujourd’hui presque totalement disparu. Il est devenu un des principaux vecteurs de l’abêtissement général. »

L’Histoire raconte au contraire que le cinéma était au début considéré comme une distraction pittoresque, sans aucun expression personnelle d’un auteur, et n’a d’ailleurs bien failli n’être qu’un divertissement de cirque.

Si par « vecteur d’expression culturelle » vous entendez propos moraux et politiques personnels d’un auteur (pas moralisateurs j’entends, hein), et à vocation d’influencer politiquement ou moralement le spectateur, à mon avis, les œuvres cinématographiques n’ont acquis ce type de propos que bien plus tard, bien après que Melies et Porter aient formalisé la façon de raconter une histoire, et pour des auteurs cinématographiques, de s’exprimer. Pendant toute cette première période, le cinéma était donc bien plus une distraction qu’aujourdhui.

Si vous considérez que le cinéma est aujourd’hui « un des principaux vecteurs de l’abêtissement général. », c’est peut-être justement que les propos moraux et politiques du cinéma ont (trop) bien marché et que le cinéma est un succès absolu en tant que moyen d’expression culturel. En témoigne bien sûr la puissance culturelle américaine qui repose bien entendu très largement sur le cinéma. Je ne comprends donc pas en quoi ce n’est plus un vecteur d’expression culturelle.

Si vous considérez alors, qu’au contraire, vous vouliez dire que le cinéma est devenu « trop culturel » et pêche donc actuellement par un conformisme moral et politique, et bien je ne suis toujours pas d’accord avec cela. Les œuvres cinématographiques n’a jamais été autant en quête de différenciation, dans la forme et dans les propos, mais ceci, je le sais, c’est très subjectif et je n’ai pas envie de rentrer dans les exemples. Rapidement, en tout cas, si vous me répondez que vous ne percevez aucun propos moral ou politique dans les œuvres grand public, je vous répondrai (vous pardonnerez je l’espère ma prétention et croirez en ma sincérité) que j’en trouve beaucoup. Tous ne me plaisent pas loin de là, mais je suis loin de douter de la vivacité dans ce domaine.
Et si vous n’êtes toujours pas d’accord, pensez à la révolution de la forme cinématographique que constituent les séries TV depuis une dizaine d’années, et la très grande diversité et originalité de leurs propos. On ne peut vraiment pas parler de conformisme.

Concernant Internet, très rapidement, j’ai une question très provocatrice et bien vaste à vous soumettre (je m’en excuse par ailleurs) : en quoi le profit est-il nécessairement antinomique du savoir ? En l’occurrence Google est une entreprise qui tire profit du savoir. Si vous mettiez de la pub sur ce blog, c’est ce que vous feriez aussi et ce ne serait pas nécessairement au détriment de la qualité de votre blog. Vous pourriez même vous servir de cet argent pour acquérir des livres et en tirer quelques nouvelles réflexions. L’Histoire humaine montre plutôt que l’échange et le profit peuvent permettre l’enrichissement de la connaissance. Ce n’est pas dans les périodes économiquement austères que la culture s’est la plus développée.

Cordialement,
Adrien

17. Thierry Klein - 14 octobre 2009

Réponse @Adrien

Bonjour,

Pour toute la partie cinéma (contexte historique, référence), la citation et le contexte sont 100% empruntés à Kundera « Une rencontre ». Kundera est explicitement mentionné dans la version que Libé a publié mais pas dans mon blog… Veuillez m’en excuser. Le texte en question fait 2 pages, mais ne se trouve pas sur Internet, Google ne l’ayant pas encore numérisé, ce qui , vous l’avouerez, est dommage. Je vous y renvoie, ça ne répondra pas à toutes vos objections, mais je l’ai cité parce que justement pour Kundera, c’est l’interruption publicitaire qui symbolise la fin du cinéma en tant qu’expression artistique.

Sur votre question: « ‘en quoi le profit est-il nécessairement antinomique du savoir ? ». Je ne pense pas qu’il le soit nécessairement. Ce n’est pas ce dont je parle dans mon billet. Mon article parle de ce qui se passe aujourd’hui sur Internet, surtout par l’intermédiaire et sous l’influence de Google, pris non pas en tant que moteur de recherche mais en tant que régie publicitaire.

Cordialement,
Thierry

18. Thierry Klein - 14 octobre 2009

Toujours pour Adrien

« Si vous mettiez de la pub sur ce blog, c’est ce que vous feriez aussi et ce ne serait pas nécessairement au détriment de la qualité de votre blog »

Ce n’est pas non plus ce que j’ai écrit. J’ai pris la présence de pub comme indice, pour qu’on puisse suivre rapidement et quantitativement le phénomène. Je ne l’ai pas pris comme « critère unique et absolu de l’intérêt d’une page ». Disons que le critère que je propose ne me paraît ni plus faux ni plus arbitraire que le fameux « GoogleRank », qui juge de la pertinence d’une page en fonction du nombre de liens qu’elle reçoit…

19. Adrien Carpentier - 14 octobre 2009

Même si c’est Kundera qui a écrit ce que j’ai lu sur votre blog à propos du cinéma, je présume que ça reflète ce que vous pensez, alors ça ne fait pas de mon point de vue un hors sujet en réponse à votre article !

Si j’ai bien compris, vous recentrez le débat autour de la publicité. C’est vrai qu’elle pollue plus certains contenus culturels qu’il y a 100 ans, comme l’écrit.
Mais, pour le cinéma en salle, en quoi y a-t-il plus de publicité aujourd’hui qu’il y a 20 ans ? Ne peut-on pas arriver dans un salle de cinéma uniquement pour la séance ? Quel rapport entre cinéma et publicité ?
Aussi, n’avez-vous pas remarqué qu’il est bien plus facile aujourd’hui de contourner la publicité dans l’audiovisuel et sur Internet qu’il y a 20 ans, grâce à la VOD (donc à Internet), aux chaînes payantes et créatrices de contenu original (je pense bien sûr à HBO), aux bloqueurs de publicité sur le web ? C’est au contraire le début d’une sale période pour les diffuseurs de publicité, qui se rabattent vers la pub ciblée. Et vous pouvez trouver la pub ciblée distrayante, pourtant elle est incontestablement moins conformiste (par définition) que la pollution publicitaire, l’arrosage à l’aveugle, dont la TV fait l’objet depuis 50 ans, et les murs des villes depuis 150 ans (regardez les vieilles photos de Charles Marville du Paris avant Haussmann, où l’on s’aperçoit que le moindre m² de mur était couvert de publicité sauvage).

Par ailleurs, à propos de la « pub comme indice », l’augmentation de celle-ci à cause d’Internet n’est pas proportionnelle, à mon avis avec celle, faramineuse, du contenu culturel et du « savoir potentiel » qu’on y trouve. D’où d’ailleurs toutes ces problématiques très récentes de « modèles économiques » à trouver pour tous les contenus gratuits.

Enfin, le PageRank (votre terme GoogleRank est-il volontairement sarcastique ?), est un algorithme qui inclue plusieurs paramètres, et pas seulement le nombre de liens entrants. Il inclue aussi et surtout la popularité du site (paramètre qui suscite d’ailleurs bcp de critiques, plus justifiées à mon avis que les vôtres), la taille et la richesse du contenu, et enfin la pertinence du contenu en comparaison avec les critères de recherche. Le poids de ces différents paramètres dans l’algorithme du PageRank est un secret industriel – bien critiquable, mais c’est un autre débat.

20. Stanislas - 14 octobre 2009

Je ne peux m’empêcher de lire cet article sans pointer vers d’autres qui discréditent fortement cet article :

http://www.numerama.com/magazine/14125-google-accuse-de-reduire-le-savoir-disponible.html
http://www.ecrans.fr/Non-Google-ne-retrecit-pas-le,8330.html
http://blog.tcrouzet.com/2009/10/01/scoop-liberation-en-faillite/

Cordialement

21. Thierry Klein - 14 octobre 2009

@Adrien,

Je ne « recentre » pas. Le thème même de l’article est la distraction publicitaire. Une distraction de plus en plus efficace, personnalisée, pertinente, adaptée à l’utilisateur, à son histoire, à son comportement – et d’auatnt plus forte qu’elle agit inconsciemment (car qui a l’impression que la publicité de Google est efficace ? Pas vous, ni moi. Ce n’est pas une notion « intuitive »).

TF1 vous prend du temps de cerveau disponible ? Google, lui, réussit à vous prendre du temps de cerveau indisponible, c’est beaucoup plus fort.

« Ne peut-on pas arriver uniquement pour la séance ? Eviter la publicité ? Alternative: mettre un anti-pub pour ne pas voir les liens Google, etc… »

Tout ceci est évidemment vrai à un niveau individuel – on peut toujours utiliser le thème de la liberté individuelle pour justifier les pires aliénations, les plus criantes, y compris la pauvreté (!), c’est pour ça qu’il est intéressant de regarder ce qui se passe vraiment, en moyenne, et de constater le décalage entre le discours qu’on vous sert, qui vous laisse l’illusion du choix au niveau individuel et la réalité, ce qui se passe en moyenne, pour moi et sans doute pour vous aussi. D’où la différence entre le « potentiel » et le « réel » dont parle mon article.

« PageRank »: encore heureux que d’autres critères rentrent en compte. Ceci dit, ce qui a fait le succès initial Google, c’est réellement le nombre de points pointant vers la page et le rapport pertinence/facilité de calcul de cet indicateur. Je vous renvoie aux premiers brevets US, ils sont publics.

Sur le cinéma, il faut prendre ça au sens large « image animée », la télé est comprise dans le terme cinéma, elle n’est qu’une évolution de la technique.

Il faudrait une réponse plus longue mais dépenses publicitaires des entreprises / mondialisation et aliénation du consommateur sont liés. Je vous renvoie à deux de mes anciens billets:

https://thierry.fr/2008/02/11/la-publicite-cest-lopium-du-peuple/

https://thierry.fr/2008/04/06/google-web-20-et-les-autres-mefiez-vous-du-gratuit/

22. Thierry Klein - 14 octobre 2009

@Stanislas,

S’il suffit de produire des avis contraires pour être discrédité, alors effectivement, je le suis complètement.

S’il faut produire des avis pertinents, de gens qui réellement on lu ce que j’écris au bon niveau et qui sont capables de penser autrement qu’en termes « Internet / Google, c’est top de chez top ! » donc ce qu’écrit TK ne peut être que débile, c’est à mon avis autre chose.

J’ai lu tous ces liens, en gros, ça apporte très peu d’éléments pertinents. Les réactions les plus intéressantes sont encore dans les commentaires de ce blog.

23. legrosnul - 16 octobre 2009

Bonjour,
Moi, personnellement, je ne pense pas qu’Internet contribue réellement au retrécissement du savoir.
C’est l’usage qui en ai fait qui y contribue. C’est comme un instrument, tu peux t’en servir à bon escient comme à mauvais escient. Avec un couteau, tu peux couper la saucisse de l’apéro (bravo!) ou couper ton doigt ( zut…pin pon).
Mais bon, heureusement, y a toujours les sites X (X veut dire Polytechnique, pas d’idées mal placées, bande de pervers…)

24. lepetitnul - 16 octobre 2009

Avec Internet, tu peux aussi bien aller sur un site instructif qu’aller sur un site abrutissant. C’est l’usage qui détermine la valeur.
Par exemple, avec un couteau, tu peux couper la saucisse de l’apéro mais aussi te couper le doigt, si t’es trop intelligent…
à méditer, mes enfants…

25. Bestetti philippe - 4 novembre 2009

Internet est un ensemble d’informations fournies par des personnes dont les valeurs morales sont des plus variées. Des critiques voir des délations peuvent être faites par des gens qui savent dénoncer qu’en se cachant derrière un pseudo (souvent douteux), elles peuvent être lancées par des personnes honnêtes étant dans le vrai ou dans l’erreur, et il en est de même pour les idées lancées sur tous les sujets d’actualités, historiques ou scientifiques. Il faut seulement savoir, ou penser savoir comment dispatcher les informations, en ne restant SURTOUT PAS accroché à une opinion personnelle déjà faite.

26. raoiul - 13 décembre 2009

(Il est même possible que d’ici une heure, ce blog soit le seul espace consacré au savoir que vous aurez visité : profitez-en)

Euu c’est un peu tiré par les cheveux, j’aurais plutôt dis qu’il permet de se remettre ne question.
Lire ce texte est aussi très distrayant.