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Quelques exemples de la lutte entre le consommateur et le travailleur: du travail des femmes au vélib. 10 février 2008

Par Thierry Klein dans : Politique.
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Une illustration de mon billet : Vous consommiez ? J’en suis fort aise. Eh bien: travaillez maintenant !

Sur le travail des femmes

Présenté comme une libération, la mise au travail des femmes (en tant que salariées) n’est rien d’autre que le symptôme d’une société où une famille ne peut plus vivre avec un seul salaire. Dans le même temps, l’afflux de main d’œuvre ainsi créé contribue encore à la baisse de valeur de cette main d’œuvre. Phénomène marquant de la deuxième moitié du XXème siécle, c’est bien une première victoire du Capital sur le Travail.

Les femmes y ont gagné « l’indépendance économique » (le droit de devenir des consommatrices à part entière) et c’est dans l’allégresse générale qu’elles ont, en gros, troqué l’heure quotidienne passée à faire la lessive contre l’heure de travail qui permet de financer le dernier modèle de lave-linge.

Sur l’allongement du temps de travail

Le travail des femmes ne suffisant plus, les pressions sont nombreuses depuis des années pour que le temps de travail général soit allongé. Ceci concerne, en vrac, la durée hebdomadaire du travail, l’âge de la retraite, le travail le dimanche, etc… En France, l’allongement du temps de travail dans les faits est une tendance toute nouvelle, mais c’est une tendance lourde des 30 dernières années aux Etats-Unis. A chaque fois, la nécessité de l’allongement du temps de travail est présentée – et accepté par la population- en faisant passer l’angle du consommateur. Il faut « travailler plus pour gagner plus », il faut « avoir le droit » de pouvoir acheter le dimanche, de travailler après 65 ans, etc…

(Pourtant, en y réfléchissant, notre société fait travailler en gros deux fois plus de personnes qu’il y a 60 ans… Sans compter les nombreux gains de productivité… Donc nous devrions pouvoir travailler au moins deux fois moins qu’il y a 60 ans. L’inconscience de ce phénomène, c’est la deuxième grande victoire du Capital sur le Travail).

Je terminerai avec deux anecdotes, d’une portée beaucoup plus limitée mais qui résument bien, je pense, l’esprit du temps.

Le vélib à Paris

L’initiative vélib est évidemment très populaire et Delanoe lui devra en grande partie sa réélection. Sa popularité tient en gros à la sacro-sainte gratuité (encore une fois l’idéal absolu du consommateur roi). Tout le monde a la conviction que Delanoë s’est montré un excellent gestionnaire car le coût du Velib pour la municipalité est nul – et même, elle y gagne une redevance.

Mais le problème, c’est que l’opération est financée par la publicité (en l’occurrence Decaux). Et, comme je l’ai montré dans mon billet précédent, il se trouve que c’est la publicité qui, en plaçant le consommateur au centre du monde a fait – de façon bien involontaire, indirecte et différée – gagner le consommateur au détriment du travailleur.

[Accessoirement, la publicité et le marketing qui développent à l’extrême notre propension à consommer sont, à ce titre, les responsables idéologiques du réchauffement climatique.]

Si Decaux accepte l’affaire, c’est que le gain qu’il retire de l’augmentation de la propension à consommer du consommateur parisien est nettement supérieur au coût des vélos. En gros, le consommateur, entraîné par la publicité à consommer plus (donc à travailler plus, donc à accroître sa précarité financière, donc à plus réchauffer la planète…), financera ainsi les vélos parisiens.

Quoi qu’on pense du vélib, c’est donc une opération montée dans une pure logique de droite.

Qu’une municipalité dite socialiste choisisse un tel montage est on ne peut plus significatif de la perte totale de repères à gauche. Une municipalité moderne de gauche devrait avant tout chercher à limiter la place de la publicité dans l’environnement – tout le contraire de ce qui se passe à Paris.

La fin de la publicité sur les chaines publiques.

Un espace de communication libre de toute publicité va être financé par le prélèvement d’un impôt sur la consommation et, surtout, sur la publicité des autres chaînes.

Il s’agit donc, pour les raisons exposées ci-dessus, d’une mesure qui est absolument de gauche – et qui accessoirement peut avoir des effets extrêmement positifs.

Encore faut-il que les chaînes ainsi créées ne deviennent pas les valets du pouvoir en place, un lieu de copinage et de clientélisme comme l’est devenu le monde culturel français ou une zone de médiocrité et de non performance comme ont tendance à le devenir beaucoup d’entreprises dont les ressources sont assurées et le marché plus ou moins protégé.

La gauche devrait avant tout s’attacher à obtenir les garanties nécessaires au succès de cette mesure, c’est-à-dire définir les organes de nomination et de contrôle, les critères de performance d’une telle chaîne – le financement n’est par ordre d’importance que le troisième paramètre de succès.

Au lieu de ça, de façon démagogique, elle concentre uniquement ses critiques sur le problème du coût et du financement de la mesure.

Il faut dire que cela fait longtemps qu’elle a abandonné l’espoir même d’évaluer objectivement les entreprises gérées par l’état – au nom de la défense idiote, idéologique, tous azimuts, du concept de « service public ».

Et l’idée même d’un processus de nomination performant, relativement indépendant des influences politiques, des dirigeants et des futurs employés d’une telle chaîne paraît saugrenue à droite comme à gauche.

Qui s’est allé à la façon dont sont choisis les instances dirigeantes et le personnel de la BBC, par exemple ?

Une autre illustration importante : la crise des subprimes et du crédit à la consommation aux US.

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Commentaires»

1. Plaidoyer pour une télévision publique sans pub | Le blog de Thierry Klein - 26 juin 2008

[…] de consommation. Ses effets sont beaucoup plus importants qu’on ne le croit. J’ai montré dans différents billets que le réchauffement climatique, le travail des femmes, l’allongement du temps de travail […]

2. Vous consommiez ? J’en suis fort aise. Eh bien: travaillez maintenant ! - 17 septembre 2008

[…] Parmi les quatre points ci-dessus, il ne vous aura pas échappé que la dernière (le travail des femmes) et la première (l’allongement du temps du travail) structurent autour d’elles une grande partie de l’activité économique du siècle passé et du siècle à venir. J’y reviendrai dans mon prochain billet. […]

3. Crise économique, d’abord. - 17 septembre 2008

[…] Tout le monde parle de crise financière pour les subprimes. La réalité, c’est qu’on assiste aux Etats-Unis à l’aboutissement du capitalisme mondialisé tel que nous le connaissions. […]

4. Jacques Attali - La crise et après ? - 19 janvier 2009

[…] du foyer américain. Les ressources du travailleur américain diminuent depuis 30 ans. Il a tenté de s’adapter en travaillant plus , en empruntant pour sa consommation, enfin en empruntant pour se loger (les […]

5. roussel albert - 25 avril 2009

il faudrait répeter cela aux membres du PS, sans cesse, pour qu »ils établissent un programme novateur, constructif, qui bénéficie à tous et surtout au peuple qui travaille (mais à mon avis le « capitalisme » est dans les têtes de pauvres qui veulent ressembler aux riches ( un rêve en somme)
je crois qu’il s’agirait de supprimer cette manière de déclarer les impôts (livret long et complexe), les niches fiscales et de créer l’impôt à la source !!!
donner du travail à tous avant les heures sup.
supprimer le bouclier fiscal et raisonner sur des sommes et non sur cette idée qu’on ne doit pas payer plus de la moitié de ce qu’on a gagné : fausse idée de justice entre celui qui gagne 20000€ et celui qui gagne 100 millions !!! si ce dernier en conserve encore 10, cela ne lui convient-il pas ?
ai-je faux ?